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paulhan. — l’erreur et la sélection

tion, à mesure qu’elle devient plus forte, a plus d’influence sur l’activité, ensuite comment, une fois qu’elle a atteint son maximum d’intensité et que le besoin a été satisfait, elle fait place momentanément à des sentiments opposés, au remords et à la honte.

Enfin, si nous nous refusons à admettre que la loi de concurrence et de sélection est à la fois universelle et générale, il faut admettre ou bien que les phénomènes sont, dans certains cas, soustraits au déterminisme, ou bien que ce déterminisme s’accomplit sans sélection.

Cette dernière hypothèse est bien invraisemblable. Pour qu’un fait se produisît sans sélection les forces qui tendent à le produire devraient n’éprouver aucune résistance, n’entrer en conflit avec aucune autre force. Cela parait impossible. Un mouvement qui commence dans l’organisme sous l’influence d’une excitation résulte nécessairement d’une rupture d’équilibre, d’un changement moléculaire qui ne peut se produire sans quelque résistance de l’organe. Toute modification, dans la conscience et dans les centres nerveux, est donc le produit d’une sélection, car une partie de la force sera dépensée à lutter contre les résistances qui lui sont offertes, tandis que le reste déterminera réellement le phénomène psycho-physiologique, et qu’une autre excitation de force égale à ce reste pourra le continuer. Dans une excitation complexe, une partie seule est reçue ; de plusieurs excitations, les plus fortes ou la plus forte peuvent seules déterminer le phénomène. Le déterminisme sans sélection doit donc être rejeté.

Reste l’hypothèse qui considérerait quelques phénomènes comme soustraits au déterminisme. Je ne puis pas ici discuter à fond cette hypothèse. Remarquons toutefois que le champ de l’indéterminé se réduit de plus en plus aux yeux mêmes de ses partisans. Dans tous les ordres de phénomènes, on peut constater le déterminisme. S’il a une exception à faire, elle ne peut être faite que pour certains faits de Tordre de l’activité. L’habitude et l’action réflexe prouvent en effet que beaucoup de faits de cet ordre sont déterminés. L’analogie nous porte à croire que les autres le sont également ; la psychologie et la physiologie paraissent conduire toutes les deux à ce résultat. La doctrine du libre arbitre, de l’indétermination des actes est sujette à de graves objections. Elle a surtout pour objet de sauvegarder la morale, qui en réalité n’a pas besoin d’elle, et elle a pour effet de la rendre impossible, à son propre point de vue. Si en effet le libre arbitre est indispensable à la morale et au mérite, une fois que le libre arbitre a disparu, il n’y a plus ni mérite ni morale. Or l’habitude a pour effet de restreindre le domaine du libre arbitre ;