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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

sirs, chassant en leur compagnie, péchant, ou lisant sur l’herbe, les suivant dans leurs visites aux noblesses voisines[1], — c’est ainsi que le P. Garasse désigne en son idiome angoumoisin les gentilhommières des environs, — amusant tout le monde de sa gaieté napolitaine et faisant partout des amis au charmant signor Pompeio. Ceux qui ont voulu voir dans Vanini un apôtre de l’athéisme ont prétendu que, dès ce temps-là, il aurait insensiblement écarté le masque dont il avait dû couvrir son libertinage, et que, se croyant maître de manier à son gré l’esprit de ses élèves, il aurait essayé, en biaisant d’abord, puis peu à peu directement, de les faire rire aux dépens de leur catéchisme. Ses tentatives n’auraient pas eu le succès qu’il en espérait : on lui aurait fait mauvais visage. Alors sa position serait devenue si difficile, que pour se tirer d’embarras il aurait demandé la permission de se rendre à Toulouse. L’ayant obtenue sur l’heure, car on souhaitait son départ, il aurait été taire visite à certain régent de l’Université, et, sur la recommandation de ce docteur, un jeune conseiller du Parlement l’aurait reçu dans sa maison[2].

Les faits ainsi présentés paraissent bien invraisemblables. On n’a pas idée d’un président du Parlement de Toulouse, qui, découvrant un blasphémateur sous son propre toit, se borne à le congédier : — qui, non content de lui faire grâce, lui permet d’aller à Toulouse ; — qui, bien plus, ne donne pas l’alarme quand il le voit établi, sous les feints dehors qui l’ont trompé lui-même, chez un membre de sa compagnie. Et d’ailleurs, comment Vanini, qui ne pouvait se réclamer de personne, serait-il entré dans Toulouse, puisque, pour empêcher les protestants de s’y glisser par surprise, les portes étaient surveillées ?

Il est sûr que le signor Pompeio ne resta pas longtemps à Pinsaguel ; mais on en devine la raison : c’est que les vacances étaient finies. Il n’est pas moins sûr qu’il donna carrière dès ce temps-là à sa pétulance philosophique ; mais, si quelqu’un s’offusqua de ses propos impies, ce ne fut certainement pas son élève. Il faisait partie à Toulouse d’une société « de jeunes folastres »[3], qui se modelaient tant qu’ils pouvaient sur les esprits forts de la cour. Pompeio les amusait, comme il avait amusé Arthur d’Épinay, et il le savait bien. Mais il ne sut pas s’apercevoir que les amis que ces jeunes gens avaient à la campagne, quoique de même âge et de même condition,

  1. Le P. Garasse, Doctrine curieuse, p. 1025, 1025.
  2. Histoire véritable de l’exécrable docteur Vanini. Bibliothèque de l’Arsenal H. 19363.
  3. D’Auteviile, Inv. génér. des off. de France.