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instruit[1]. » Mais c’était peut-être bien pour qu’il ne les rapportât pas, ces particularités, qu’on l’avait prévenu. — Quant aux annales du Palais, — on peut appeler ainsi le journal du greffier Malenfant, — ces annales si exactes d’ordinaire et si minutieuses, elles ne font pas même mention du procès de Vanini[2]. Il avait pourtant, six mois durant, donné à parler à toute la ville. Ici le doute n’est pas possible. Si Malenfant s’est tu, c’a été certainement de parti pris, soit que trop bien instruit de toutes les circonstances de cette cause délicate, il n’ait pas cru pouvoir les noter de manière à satisfaire également tous les membres de la cour, soit plutôt qu’il ait voulu complaire au président Jean de Bertier de Montrabe si intéressé à son silence. C’est en effet M. de Bertier, simple président en 1617, mais futur successeur de Le Masuyer en 1630, qui est le sujet de l’anecdote de Leibniz, et c’est un de ses enfants que nous allons trouver dans la petite ville où, comme on l’a vu, le signor Pompeïo s’était arrêté. Dans l’hôtellerie où Vanini était descendu, le hasard amena un jeune gentilhomme qui venait de quitter les études, et qui jouissait de ses vacances en compagnie d’un de ses amis[3]. Le signor Pompeïo se trouva à table avec eux, et, connaissant ce qu’ils étaient, il usa de toutes ses grâces pour s’en faire agréer. Il y réussit à souhait, car ils eurent tant de plaisir à sa conversation, qu’au lieu de le quitter après le dîner, ils le suivirent dans sa chambre. Là, les saillies de son esprit et les marques qu’il donna de son savoir, achevèrent de les enchanter. Il leur conta de son histoire, ce qu’il voulut, comme il voulut. Quand ils surent qu’il arrivait d’Espagne et qu’il s’en allait exercer la médecine à Toulouse, l’idée leur vint de se l’attacher pour quelque temps, puisqu’il était libre, comme maître de mathématiques. L’adroit signor n’avait garde de refuser une condition si agréable, et le voilà parti avec les deux jeunes gens « pour une maison extrêmement délicieuse environnée de ruisseaux et de fontaines », qu’on reconnaît aisément pour le château de Pinsaguel, résidence séculaire de la famille de Bertier[4]. Bien accueilli et bientôt très apprécié du président, de jour en jour plus aimé de ses élèves, il était sans cesse avec eux, qu’il s’agit d’études ou de plai-

  1. Annales manuscrites de l’Hôtel-de-Ville de Toulouse, tome VI, fol. 43. Le rédacteur des Annales de 1619 se nommait Marianne de Salluste.
  2. II y a deux exemplaires des Collections et remarques du Palais du greffier Malenfant aux archives de la Haute-Gatonne, un dans la section judiciaire, au palais de justice, un autre, au dépôt de la préfecture. Un troisième exemplaire se trouve dans la bibliothèque de M. de Rességuier. On n’en connaît pas d’autres.
  3. Rosset, Hist. trag.. édition citée.
  4. Ibidem.