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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

savait s’en faire aimer ; à Paris, Régnier lui adressait sa seconde satire[1].

Comte, de qui l’esprit pénètre l’univers,
Soigneux de ma fortune, et facile à mes vers.
Cher souci de la Muse, et sa gloire future,
Dont l’aimable génie et la douce nature
Font voir, inaccessible aux efforts médisants,
Que vertu n’est pas morte en tous les courtisans.

Goudelin, à Toulouse, lui dédiait le Ramelet moundi. Le jeune Baro, qui devait terminer l’Astrée, un des futurs Quarante de la future Académie française, était attaché à sa maison.

La présence habituelle d’un seigneur aussi illustre avait fait dans le monde du Parlement l’effet d’un rayon de soleil. Elle y avait tout animé et tout réjoui. On était fier de posséder, heureux d’approcher ce modèle des courtisans. Sou hôtel du carrefour de la rue Joutx-Aigues[2], avec son train de laquais, de pages, de gentilshommes, était comme un petit Louvre, où tout ce qui rêvait de la Cour venait en apprendre le ton et les manières. Tout cela faisait que le comte de Cramail, bien qu’il n’eût pas d’autorité en Languedoc, y était l’objet de mille déférences. Le premier président Le Masuyer, tout puissant qu’il fût, ne venait qu’après lui, au moins dans l’estime du monde. Il est vrai que ce haut personnage était médiocrement goûté et qu’on avait au palais trop de raisons de ne pas l’aimer. C’était un maître des requêtes de l’hôtel, fils d’un conseiller au Parlement de Paris, qui avait été intendant de justice à Poitiers en 1614. Raide et insociable d’habitude, il était pourtant sujet à s’humaniser, car, suivant Bassompierre, il aurait pu un jour perdre le maréchal d’Ancre impliqué avec Maignat dans un procès de haute trahison, et il avait préféré lui devoir sa fortune[3]. Pour le récompenser de sa discrétion, la reine lui avait permis de traiter avec M. de Clary, premier président de Toulouse, qui lui avait cédé son office, mais à condition qu’il épouserait sa fille. Le mariage eut lieu en septembre 1615. Le Parlement, qui aurait souhaité de voir à sa tête M. de Cambolas, ou M. de Caminade, ou M. de Berlier de Monrabe, trois de ses membres, également célèbres par leur talent et leur éloquence, avait assez mal accueilli cet étranger, qui était plutôt un homme d’action qu’un magistrat. Les capitouls s’étaient chargés de témoigner publiquement son déplaisir au nouveau venu en omettant de lui faire les honneurs d’une entrée solennelle. Mais Le Masuyer ne s’était pas embarrassé de ce mauvais vouloir. Bientôt, l’attitude

  1. A M. le comte de Garamain.
  2. Archives de la Haute-Garonne, E. 48, papiers de Caraman.
  3. Mémoires de Bassompierre, tome I, p. 316.