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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

gretter que l’édit de Nantes eût annulé son tribunal. Les arrêts de la Cour ne le cédaient pas en atrocité aux sentences de l’Inquisition. Les registres de 1615 rapportent le cas d’un paysan qui avait arraché des mains d’un prêtre une hostie consacrée. On lui avait dit en Espagne que, s’il la portait sur lui, il ne perdrait jamais au jeu. Ses juges le punirent de cet excès de foi sacrilège en le condamnant à être brûlé à petit feu. Aussi le Parlement de Toulouse passait-il pour le plus catholique de France[1] ; on ne peut disconvenir qu’il ait été de tous le plus inhumain. Il pratiquait scrupuleusement cette maxime de l’un des siens : « qu’il ne faut pas affecter le titre de magistrat pitoyable, qui est un des vices à fuir autant, voire plus, que la cruauté. Car la cruauté, bien qu’elle soit à blasmer, tient les sujets en l’obéyssance des loix c’est pourquoi la loi de Dieu défend expressément d’avoir pitié du pauvre en jugement » [2].

D’après cet esprit de rigueur, on serait tenté de prêter aux conseillers du temps je ne sais quelle froideur sombre et taciturne. Il est sans doute probable que plus d’un parmi les anciens se ressentait de cette habitude d’être et de vouloir être impitoyable, mais en général, la cour n’inclinait pas trop du côté de la gravité. Par l’effet de l’hérédité et de la vénalité des offices, elle se trouvait en grande partie composée d’hommes encore jeunes, presque tous riches, très vains de leurs privilèges, très enivrés de leurs pouvoirs, et peu disposés à sacrifier leurs passions et leurs goûts aux bienséances de leur état. Ils le firent bien voir au président de La Roche Flavin, l’auteur de la maxime que je citais tout à l’heure, qui dans son livre des Treize Parlemens de France avait prétendu les rappeler à la simplicité des anciennes mœurs. Ils venaient justement de le suspendre de son office pour un an, et le 13 juin 1617[3], debout, tête nue devant les Chambres assemblées, ce vieillard austère, cet érudit de haut labeur et d’esprit original, avait dû subir les remontrances du premier président, et voir de ses yeux le greffier civil lacérer le monument de sa vie. La cour avait trouvé que, telle qu’elle était, elle avait assez d’autorité morale et de prestige, et que c’était vouloir l’avilir que de lui proposer l’exemple des magistrats d’autrefois. La

  1. Mercure françois, tome III, p. 128. Lors des États de 1614, la Chambre du clergé demande de nouveau la publication du concile de Trente… « Le Caton français en voulait à tout le monde, à la cour de Toulouse en particulier, pour ce qu’elle est trop catholique. »
  2. La Roche Flavin, Les treize Parlemens de France, édition de Genève p. 1106.
  3. Collections et remarques du Palais, par Etienne de Malenfant, greffier civil de la cour du Parlement de Toulouse. Manuscrit aux archives de la Haute-Garonne.