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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

car elle prouve que, s’il n’était pas toujours maître de ses sens, il n’insultait pas du moins à la nature. Il s’attaqua à « une pauvre fille » qui refusa de l’écouter ; il la pressa plus fort, elle cria, et par bonheur fut entendue. Les témoins qui survinrent lui conseillèrent de porter plainte. Mais, avant que la justice fût saisie, le seigneur Pompée avait quitté Condom et regagné le chemin de Toulouse. Après trois ou quatre jours de marche, il arrivait à deux lieues de pays de cette capitale, dans une petite ville que Rosset ne nomme pas, mais qui pourrait bien être L’Îsle-Jourdain. Il n’avait plus en poche que « douze escus » [1].

Le voici à présent tout porté sur le bord du gouffre. Tout à l’heure, le courant va le ravir. Arrêtons-nous avant la catastrophe, et voyons ce qu’était alors la métropole du Languedoc.

C’était encore une ville murée et plus que jamais étroitement gardée. Elle était redevenue ce qu’elle avait été durant la Ligue : le boulevard des catholiques contre les protestants qui s’agitaient en armes aux environs. Sans qu’il y eût précisément d’appareil militaire, les portes étaient surveillées, de peur de surprise. Des greffiers, ou, si l’on veut, des commis tenaient compte du mouvement des entrées et des sorties[2]. Les marchands et les gens de métiers qui peuplaient les rues étroites et sales de la vieille cité étaient restés ce qu’avaient été leurs pères au temps d’Anne de Joyeuse et d’Urbain de Saint-Gelais. Tout pénétrés du vieux levain de la Ligue, ils devaient fournir, quatre ans plus tard, plusieurs régiments de milices à l’armée royale campée devant Montauban. Leur zèle ne risquait pas de s’éteindre : sans parler de douze congrégations de filles, treize ordres religieux plus ou moins réformés travaillaient à l’entretenir. Bénédictins, Jacobins, Cordeliers, Carmes, Augustins grands et petits, Pères de la Merci, Trinitaires, Frères du Salin, Récollets, Capucins, Jésuites se partageaient les quartiers et les familles. Chaque couvent avait sa clientèle. Les moines étaient les maîtres de la ville à plus juste titre que les capitouls et le Parlement : il n’y avait dans Toulouse d’autres monuments que leurs églises. Loin d’envier leur empire, le clergé séculier ne paraissait songer qu’à l’accroître. Ainsi les chanoines de Saint-Sernin venaient d’engager le P. Coton, banni de Paris et qui n’avait pu avoir permission d’aller à Rome, pour prêcher dans leur basilique l’avent de l’année 1618[3]. Le chapitre de la ca-

  1. Rosset, Hist. tragiq., édition citée.
  2. Archives de l’Hôtel de Ville de Toulouse : comptes du trésorier de 1618-1619, fol. xi, verso.
  3. Recherches historiques et critiques sur la Compagnie de Jésus en France du temps du P. Coton (lo64-l6-26), par le R. P. Prat. Soc. Jes. 4 vol. in-8o . Lyon, Briday. 1876.