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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

prophètes, a fait de l’Antéchrist un portrait si odieux, si horrible, que personne ne veut endosser la honte et l’infamie d’un pareil personnage. Or, l’Antéchrist faisant défaut, la loi du Christ ne peut que durer[1]. »

Au tour de Jules-César à présent de faire parler l’athée d’Amsterdam.

Alexandre. Que répondrez-vous à Porphyre, à Plotin et à Jamblique, qui assuraient que tout homme est gardé par un bon et par un mauvais génie ?

Jules-César.… Que le bien et le mal nous arrivent pêle-mêle tous les jours, et qu’on ne saurait comprendre, si l’homme est gardé par un bon génie, qu’il soit sujet à tant d’infortunes.

Alexandre. Oh ! mais c’est que, suivant eux, le mauvais génie serait le plus fort !

Jules-César. J’ai connu à Amsterdam un athée qui soutenait une erreur pareille. Voici les blasphèmes que vomissait ce malheureux insensé, comme s’il y était poussé par un je ne sais quoi de fatal et de funeste. (Dans le texte, tout ce qui suit est en italiques.)

« On peut inférer du texte même de la Bible que le démon est plus puissant que Dieu. En effet, c’est en dépit de Dieu que le démon a conduit à la mort Adam et Ève et tout le genre humain. Quand le Fils de Dieu, touché de ce malheur, voulut y porter remède, c’est encore le démon qui sollicita l’esprit des juges à le condamner à une mort ignominieuse. Oui, répétait-il, oui, d’après la Bible, la volonté du Diable est plus forte que celle de Dieu. Voyez, Dieu veut que tous les hommes soient sauvés : il ne s’en sauve qu’un très-petit nombre. Au contraire, le diable veut que tous les hommes soient damnés, et le nombre des damnés est infini. Au sein de ce vaste monde, il n’y a de chance de salut que pour ceux qui habitent ces petits recoins de la terre, l’Italie, l’Espagne, quelques provinces de France, d’Allemagne et de Pologne. Mais, si vous distrayez de ceux-là les juifs, les hérétiques secrets, les athées, les blasphémateurs, les simoniaques, les adultères, les sodomistes, qui ne posséderont pas le royaume du ciel, vous trouverez à peine un élu pour des milliers de milliers de réprouvés. Au reste, du temps de l’ancienne loi, le monde entier était esclave du démon. Les Hébreux, dont le royaume n’était pas grand en tout comme l’ile de Bretagne, étaient seuls à connaître Dieu. Encore est-il qu’ils délaissaient très-souvent son culte et que, quand ils y étaient fidèles, le démon les accablait de calamités[2]. »

  1. De arcan., p. 357, 359.
  2. De arcan., p, 419-421.