-ils s’entretenir des choses religieuses que tout le monde comprend et qui intéressent tout le monde. La difficulté est d’en parler — d’en mal parler — sans offenser l’Église. Mais l’Église peut-elle leur en vouloir d’avoir rencontré dans leurs voyages un malheureux athée d’Amsterdam qui leur a dit des énormités. Ils les répètent, ces énormités, sans contredit ; mais ils ont bien soin de marquer d’où elles viennent. Et puis, c’est pour confondre cet affreux Hollandais. Et, de fait, on ne peut pas dire qu’ils l’épargnent. Ils s’escriment à l’envi contre ce monstre. Quelle chaleur ! quelle science des dogmes ! quelle dialectique, quelle passion pour la religion ! ils sont enragés. Oh ! les dignes apologistes s’ils ne plaidaient pas toujours à côté de la question.
L’athée d’Amsterdam vient d’exposer son procédé pour faire des chrétiens qui aillent en paradis. Alexandre joue sur le mot d’imbécile, qui veut dire faible en latin. — « Faibles les âmes des chrétiens, lui répondais-je ; dites donc vaillantes entre toutes, et je lui citais les martyrs et les glorieux combats qu’ils ont livrés partout. Mais cet impie ne voyait dans tout cela que véhémence d’imagination, amour de la gloire ou hypocondrie. Et il ajoutait : Toute religion, fût-ce la plus absurde, celle des Turcs, des Hindous ou des hérétiques du temps présent, comptera toujours un nombre presque infini de bonnes bêtes qui s’exposeront pour la défendre à tous les tourments, uniquement parce qu’elle est la religion de leur pays[1]. Je ne pus me tenir à ce discours. Enflammé du zèle de Dieu, je le traitai d’antéchrist. — Jules César. Que fit-il alors ? Alexandre. Il sourit. Pourquoi riez-vous ? m’écriai-je. — Parce que, me répondit-il, ce qu’on va contant de l’Antéchrist est tout simplement fabuleux. Saint Paul l’annonçait il y a déjà 1600 ans, on l’attend encore ! — Permettez ! Antéchrist est le nom que la sacro-sainte Église romaine donne à un Ébion, à un Chérinte, à tous les hérétiques qui tentent à leur exemple de dépouiller le Christ de sa divinité ! — Il se tut un moment, puis il s’écria : admirable sagesse du Christ ! — Croyant l’avoir converti, j’étais déjà tout joyeux ; mais il continuait, se parlant à lui-même : Adresse, finesse merveilleuses ! Quelles marques il en a données lors de l’aventure de la femme adultère, et encore lorsque les scribes lui demandèrent de payer le tribut à César ! Mais en ce qui concerne l’Antéchrist, il s’est surpassé. Car tout ce qu’il a prédit de la venue de l’antéchrist ne tend à rien moins qu’à assurer l’éternité de la loi chrétienne. Et, en effet, plusieurs pouvaient être tentés de se donner pour le Messie, tant les prophètes de l’ancienne loi en avaient prédit de merveilles. Mais le Christ, le plus avisé des
- ↑ De arcan., p. 356, 357.