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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

faute d’Adam qui nous a valu d’avoir un tel Rédempteur !… Nous ne commandons pas seulement aux animaux. Comment donc ! les anges même nous servent de pédagogues. Mais laissons ces choses aux doctes vieillards de la Sorbonne, et, pour nous, revenons à nos exercices philosophiques[1]. »

On voit quel était au fond l’esprit qui lui dictait ses sermons, esprit rationaliste et avant tout anti-dogmatique… esprit de tous points damnable, allaient criant partout ceux qu’il appelle ses détracteurs[2]. L’autorité ecclésiastique, à laquelle on le dénonça, finit par s’émouvoir. Elle aposta des docteurs pour contrôler les op inions de cet étrange théologien. Vanini, qui sans doute ne se savait pas suspect, continua cependant de prendre avec les dogmes ses libertés habituelles. Mais, une fois, qu’il avait prêché à l’église Saint Paul sur le commencement de l’Évangile de Saint-Jean, il énonça, paraît-il, des propositions si énormes, qu’on crut ne pas devoir le ménager plus longtemps. Quelques jours après on lui interdisait la chaire[3].

Il fut très sensible à cette disgrâce. Un contemporain, qui n’est pas des moins malveillants, prétend « que toutes ces circonstances fâchèrent M. l’abbé de Rhedon, et que désormais il ne fist plus si grand conte de Vanini qu’il faisoit auparavant[4]. » Comme il n’ajoute pas que l’abbé s’empressa de chasser le philosophe de sa maison, cette mauvaise humeur parait fort peu probable. On ne croira pas volontiers qu’il ait pu ne voir dans Vanini qu’ « un homme sçavant », et qu’il l’eût recueilli près de lui. comblé de faveurs si particulières, uniquement pour l’amour de la science. Par ce qu’on sait de l’intempérance de langue de Vanini, il est évident qu’une telle méprise n’aurait pas plus tôt commencé qu’elle aurait pris fin. — Arthur d’Epinay Saint-Luc était un cadet de grande famille, que Henri IV avait fait abbé des Bénédictins de Redon, uniquement pour l’enrichir. Il n’avait rien d’un moine, pas même l’habit. Laissant à un prieur le soin de gouverner son monastère, il se contentait de jouir à Paris des prérogatives et surtout des revenus considérables attachés à sa dignité. C’était ce qu’on appelait un abbé commendataire. Il cessa peu après d’être abbé de Redon pour devenir évêque de Marseille [5], c’est-à-dire en réalité qu’il échangea un bon bénéfice contre un meilleur, car il ne fut pas plus évêque qu’il n’avait été abbé. Suivant toute apparence, cet étrange prélat trouvait à satisfaire, avec son pensionnaire, ce goût d’impiété, disons mieux, cet appétit de critique qui se

  1. De arcan., p. 234, 235.
  2. De arcanis.
  3. Rosset, Hist. trag., édit. citée.
  4. Rosset, Hist. trag., édit. citée.
  5. Rosset, Hist. trag., édit. citée.