Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VIII.djvu/254

Cette page n’a pas encore été corrigée
248
revue philosophique

Bouddha et le Christ s’impose d’une façon particulière, puisque, d’après Pfleiderer, le bouddhisme et le christianisme sont tous deux des religions de délivrance et qu’ils possèdent l’un et l’autre le seul principe vrai de la délivrance, celui de l’immanence. Remarquons seulement cette différence que le bouddhisme est abstrait, idéaliste et quiétiste, tandis que le christianisme est réaliste, actif et productif ; mais reconnaissons en même temps que chacune de ces religions a certains avantages appropriés aux races et aux populations sur lesquelles elles ont étendu leur empire.

L’écart entre la doctrine de Pfleiderer et la tradition chrétienne relative au rôle du Christ devient encore plus marqué si nous examinons de plus près comment il envisage le principe de la délivrance. D’après ce que nous avons dit plus haut de la position du protestantisme spéculatif à l’égard du problème de la délivrance religieuse, il doit nécessairement regarder comme une invention anti-rationnelle et anti-historique de la conscience de la communauté chrétienne, la doctrine de l’Eglise concernant la déUvrance opérée par le Christ, qui repose sur l’enseignement de saint Paul et de saint Anselme. Car « dans l’idée qu’une communauté religieuse se fait de la personnalité et des actes de son fondateur se réfléchit et s’objective sa propre conscience religieuse ou son opinion touchant l’essence de sa religion ». C’est ainsi par exemple « que l’œuvre de la délivrance est, d’après saint Paul, le compromis entre l’amour et la colère de Dieu, » N’avons-nous pas là le reflet objectif de la conscience religieuse de l’ancien pharisien et de l’apôtre actuel, chez lequel l’idée de la filiation et celle de la loi luttaient encore et cherchaient à se concilier par toutes sortes de compromis ?

Dans toute l’histoire du christianisme, la conception externe de l’œuvre de la délivrance prédomine, parce que la conception représentative éprouve le besoin de contempler les principes internes et psychiques du péché et de la délivrance sous une forme concrète et sensible, c’est-à-dire de les personnifier (dans Adam et Jésus-Christ). « Certainement, la conscience représentative corrige à son tour l’insuffisance de cette conception, du moins pour la pratique religieuse, en ce qu’elle place à côté du fait extérieur ayant eu lieu une fois un fait intérieur continu…, Jésus-Christ a opéré une fois dans les temps passés par sa mort corporelle la réconciliation de l’homme avec Dieu ; mais nous devons tous opérer cette réconciliation en tout temps en nous-mêmes par la mort spirituelle du vieil homme, en sacrifiant à Dieu notre volonté égoïste. »

En présence de cette conception à la fois externe-sensible et interne-psychique, la conscience religieuse a éprouvé une double