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çant à tort de maintenir pour la religion pratique (pas simplement dans le sens pédagogique, mais d’une manière absolue) la représentation d’une personnalité divine ou absolue, malgré les contradictions manifestes qu’elle présente. Au contraire, Pfleiderer démontre combien on a tort de craindre de nuire aux intérêts de la piété en renonçant à la personnalité divine, et il prouve que la piété tire plutôt un grand profit de cette renonciation. En effet, comme la conscience religieuse lient avant tout à l’union intime avec Dieu dans le sens le plus élevé et le plus profond, la croyance en un Dieu personnel avec l’exclusion réciproque des personnes est précisément l’obstacle à l’acte le plus élevé de la piété pratique, tandis que la pénétration réciproque de l’immanence divine devient une pensée facilement réalisable dès qu’on a mis de côté la personnalité de l’absolu.

Pfleiderer dit avec raison que l’amour de Dieu trouve son accomplissement suprême dans la condition de l’immanence, et il appuie son opinion sur ce fait que l’Évangile, qui proclame de la façon la plus nette l’amour comme l’essence divine, fait précisément consister la réalisation de cet amour dans notre existence en Dieu et dans l’existence de Dieu en nous. Ce que la conscience religieuse se représente comme l’amour de Dieu est donc essentiellement identique à la force active dans l’amour humain. Mais, quand on aura retranché le caractère sentimental spécifique de cette affection, on ne pourra plus considérer ce qui est la force active dans l’amour humain (le rapport inconscient à l’identité de l’essence) comme l’amour lui-même, mais seulement comme son fondement métaphysique. Or, si l’on admet qu’il ne faut pas chercher en Dieu l’amour comme affection sentimentale spécifique, mais seulement comme ce qui constitue dans l’homme la force active ou le fondement métaphysique de cette affection ; une opinion qui désigne ce fondement métaphysique de l’amour en Dieu comme l’amour lui-même doit nécessairement être comme un élément anthropopathique, ou plutôt « une manière de voir subjective humaine », dont la vérité n’est pas seulement problématique, mais dont la fausseté est apodictique.

Si Pfleiderer refuse d’admettre cette opinion, c’est peut-être uniquement par crainte de s’éloigner trop rapidement de la théologie théiste, et parce qu’il s’imagine que l’immanence panthéistique est loin d’offrir à la conscience religieuse une satisfaction aussi élevée que la croyance théiste en l’amour du Dieu personnel. L’amour est une représentation anthropopathique du même ordre que la personnalité de Dieu ; il subsiste et disparaît avec cette dernière et est aussi peu nécessaire qu’elle à la conscience religieuse basée sur le panthéisme. Sa valeur positive consiste uniquement en