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hartmann. — la philosophie religieuse

phique, parce qu’il permet d’embrasser d’un coup d’œil les questions les plus importantes pour cette critique, en les débarrassant de l’histoire des dogmes, et aussi parce qu’il ouvre des perspectives intéressantes sur l’histoire comparée des religions. C’est pourquoi, dans les considérations que je vais exposer sur le protestantisme spéculatif, je m’appuierai sur ce livre si recommandable, d’abord sur l’introduction, qui traite du développement de la philosophie religieuse depuis Lessing jusqu’à nos jours, mais principalement sur la partie intitulée : Die genetisch-speculative Religionsphilosophie.

Ce qui caractérise particulièrement le point de vue auquel se place une philosophie religieuse, c’est la manière dont elle comprend l’essence de la religion. Pfleiderer en donne cette définition : « se savoir en Dieu et Dieu en soi, être un en Dieu avec le système du monde et affranchi par Dieu de la barrière du monde, et cela dans un rapport inséparable. » Cette définition essentiellement exacte nous fait reconnaître de prime abord que, d’après le protestantisme spéculatif, la vraie religion ne peut être que la religion de l’immanence, c’est-à-dire le monisme concret dans lequel l’être de Dieu est immanent à l’homme, c’est-à-dire où l’homme et Dieu sont le même être, car si l’être de l’homme était différent de celui de Dieu, il pourrait bien élever la conscience de sa dépendance relative du monde jusqu’à la conscience de sa dépendance absolue de Dieu, comme étant la base du monde et de lui-même ; mais jamais il n’arriverait ainsi jusqu’au sentiment de sa liberté religieuse en Dieu et de son indépendance du monde. Nous voyons donc dès le premier pas que le protestantisme ne peut trouver une base spéculative plus profonde que s’il abandonne le concept religieux hétéronome du théisme, que s’il s’élève jusqu’au concept religieux autonome de l’immanence et se pénètre du sentiment que cette dernière seule donne véritablement satisfaction à la conscience religieuse.

La conscience religieuse, en se rattachant elle-même et le monde qui lui est opposé à la cause qui les produit l’une et l’autre, contient nécessairement sur cette cause certaines représentations sans lesquelles elle n’aurait pas pu prendre naissance. Mais ces représentations n’ont pas besoin d’être des concepts ; elles peuvent être le produit de l’imagination, et elles le sont presque toujours en principe. L’imagination idéalise le réel (spiritualise et divinise par exemple des objets sensibles de la nature), et se représente ensuite l’idéal ou le supra-sensible sous la forme du sensible. Sans doute, ces créations de l’imagination cherchent à se purifier et à se préciser avec le secours de l’intelligence ; mais ce travail se fait progressivement, et la longue distance qui sépare l’image primitive du concept spéculatif