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par la raison, et la vérité rationnelle, comme deux vérités pouvant se concilier l’une avec l’autre ; ou bien il cherche à faire réellement pénétrer la raison dans la sphère de la foi religieuse. L’une de ces directions se rattache au Néokantisme, qui depuis à peu près une dizaine d’années jouit d’une grande vogue dans les cercles philosophiques et dont Lipsius est le représentant le plus habile et le plus distingué ; l’autre est la direction spéculative, qui se subdivise en néo-schellingianisme et néo-hégélianisme. Le néo-schellingianisme, représenté par Weise et Rothe, remonte à une date plus ancienne et se distingue par une certaine spontanéité et une certaine fantaisie dans la méthode, ce qui est une faible recommandation auprès de de notre époque, élevée à l’école d’une critique sérieuse. Le néo-hégélianisme théologique de Biedermann, au contraire, entre dans la lice en s’appuyant sur l’école de la critique historique (et à la fois spéculative) de la Bible, fondée par Baur, et muni d’un équipement scientifique complet ainsi que de la pénétration dialectique ; il se présente, en un mot, sous une forme digne des temps modernes. Si le protestantisme libéral ne veut donc pas retomber dans la théologie de conciliation, il n’a pour se créer une base positive que le choix entre Lipsius et Biedermann, c’est-à-dire entre la restauration kantienne de la théorie de la double vérité enseignée au moyen âge et l’introduction de la spéculation dans les fondements de la conscience religieuse. Le néokantianisme théologique vivra et mourra avec le néokantianisme philosophique, au sujet duquel je me suis déjà expliqué ailleurs[1] ; à mon avis, il n’a qu’une valeur passagère, historique, et est appelé à disparaître bientôt. Le néo-hégélianisme théologique, au contraire, mérite d’être étudié attentivement, puisque, dans les questions principales, il évite les fautes de forme et de fond de l’ancien hégélianisme, et qu’il a su absorber et s’assimiler les éléments théologiques qui depuis ont acquis une certaine autorité (particulièrement tout ce qui a une valeur positive dans les doctrines de Schleiermacher et de ses successeurs).

La preuve la plus frappante de l’influence croissante de ce néo-hégélianisme sur les bases plus profondes données au protestantisme libéral est la Philosophie religieuse fondée sur l’histoire, publiée l’année dernière par Otto Pfleiderer (Berlin, G. Reimer, 1878). Cet ouvrage représente dans ses parties essentielles le même point de vue que celui de Biedermann ; mais il paraît plus propre que la dogmatique de ce dernier à servir de sujet à la critique philoso-

  1. Neokantianismus, Schopenhauerianismus et Hegelianismus. 2e  édition, revue et augmentée des « Erläuterungen zur Metaphysik der Unbewussten ». Berlin, 1877.