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analyses. — martius. Zur Lehre vom Urtheil.

intellectuelle ne s’appelle pas un jugement ; c’est un raisonnement… Faudrait-il donc admettre que tout jugement est la conclusion d’un syllogisme ? » (P. 32-34.)

Il faut l’admettre, poursuit M. Goelz Martius, du moins pour tout jugement scientifique et qui vaut pour les objets : Kant lui-même a reconnu celte vérité, et d’une façon peu détournée, lorsqu’il a dit : « Pour savoir avec certitude et à priori quoi que ce soit, il faut n’attribuer à la chose en question rien d’autre que ce qu’on y a soi-même mis auparavant conformément au concept qu’on en a. » (Crit. de la raison pure, éd. Kirchmann, p. 25.) Cette opération, par laquelle nous attribuons à une chose ce qui est logiquement renfermé dans le concept de cette chose, Kant lui-même l’a appelée démonstration. (Ibid.) Or chacune de nos découvertes, chacune de nos affirmations nouvelles touchant les réalités, n’est qu’une démonstration, en ce sens du mot. Un objet n’est en effet pour moi qu’un ensemble d’impressions faites sur moi par un je ne sais quoi inconnu, et les empiristes ont raison de réduire toute la réalité aux phénomènes : quand j’ai groupé, sous un certain nom, un ensemble de faits, cela sans passion ni caprice, et en consultant simplement les sensations reçues (p. 48), j’ai formé en moi le concept d’un objet ; si cet ensemble de faits se représente, je ne puis sans contradiction refuser de le reconnaître et de lui donner le même nom. C’est là un concept démontré.

À vrai dire, le groupe peut ne pas se reproduire, et dès lors mon concept ne se vérifiera pas, ne sera d’aucun usage pour l’avenir : si, jusqu’à un certain moment, les savants n’ont pas réussi à brûler les diamants, ils n’en devaient pas conclure que les diamants fassent incombustibles (p. 45). Mais le concept n’en est pas moins, même dans ce cas, démontré, légitime, et doué du caractère d’une vérité nécessaire. Il exprime en effet un état naturel produit à un moment donné, par la réalité, dans l’esprit humain. « Une représentation ou un concept vaut nécessairement pour les phénomènes, autant qu’il est formé de ces phénomènes, et démontré pour tel. » (P. 56.) « Le savoir d’un naturel des îles du Sud a par rapport aux faits objectifs la même valeur que celui d’un Européen instruit… Les développements successifs de nos conceptions, avec leurs formes les plus contradictoires, constituent un savoir objectif toujours nécessaire et universel dans sa portée. » (P. 48-49.) Ainsi l’on peut trouver un sens à ce paradoxe, que chaque chose est vraie, en son temps et en son milieu.

Ce n’est pas à dire qu’il n’y ait pas place pour un progrès véritable des sciences. Les groupes de faits doivent être, et de plus en plus deviennent naturels (p. 53). Us le deviennent à mesure que nous parvenons, par des expériences plus exactes, aux faits élémentaires (p. 54). Probablement, aux yeux de l’auteur, quand nous tenons ces faits-là, nous cessons d’être exposés aux méprises, comme nous le sommes toujours quand il s’agit de reconnaître des faits complexes, d’en affirmer l’identité dans deux cas différents : entre deux choses simples, la ressem-