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du monde est, dans ce système, attribuée à une nécessité logique. « La possibilité logique, voilà, dit-il, le dernier mot de cette philosophie. Elle a érigé les lois de la pensée en lois du monde. Que cela soit une fois compris, et le secret du rationalisme sera découvert… Celui qui trouva le mot de l’énigme, ce fut Kant. »

Henri Marion.


Goetz Martius. — Zur Lehre vom Urtheil (Sur la théorie du jugement). Emil Strauss, à Bonn, 1877.

L’auteur de cet opuscule paraît s’être proposé pour objet de réconcilier l’empirisme avec la doctrine de l’a priori. À cet effet, il exige des deux parties certaines concessions : à Kant, il accorde qu’il y a de l’a priori, que sans cet à priori l’expérience n’est pas possible, et que le tort des empiristes est précisément de négliger ce problème, le premier de tous en droit, de la possibilité de l’expérience (p. 20). En revanche, avec Hume, il reconnaît que cet à priori ne consiste pas en des jugements, « qu’il n’existe point de jugements universels et nécessaires, qui soient valables pour les réalités elles-mêmes » (p. 43). M. Goetz Martius s’attache à montrer que ces concessions n’entament en rien d’essentiel ni l’une ni l’autre doctrine, qu’elles leur permettent au contraire de s’unir en une doctrine nouvelle.

Kant pensait avoir trouvé dans ses catégories, et dans les jugements synthétiques à priori qui en résultent, l’explication de toute expérience. Or, depuis Kant, la logique a fait un grand pas : elle a démontré t qu’il n’y a point de jugement synthétique ; comment dès lors y aurait-il des jugements synthétiques à priori ? » (P. 5.) Prenons des exemples : s’il est un jugement qui paraisse synthétique, c’est le jugement expérimental par lequel nous reconnaissons un objet et le rangeons dans une classe connue ; ainsi : Ceci est du sucre. Comment naît celte affirmation ? « Un enfant a du sucre une certaine idée ; il se le représente comme quelque chose de dur, de blanc et de doux… Appelons ces diverses qualités et  ; l’enfant aura la représentation suivante : du sucre. Le mot sucre n’est donc pour lui qu’un signe vocal correspondant à celte représentation générale : . Présentons-lui deux objets (de la craie et du sucre) : le premier ne réunit pas les caractères  ; le caractère relatif au goût manque ; le second au contraire les réunit. La série de ses idées sera donc pour chaque cas l’une des deux suivantes :

I. ; est du sucre ;

Or l’objet vu n’est pas  ;
Donc l’objet vu n’est pas du sucre.

II. est du sucre ;

Or l’objet est égal  ;
Donc l’objet est du sucre.

« Mais, dans le langage ordinaire de la science, une telle opération