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analyses. — windelband. Geschichte der Philosophie.

morales et politiques, mais le « spiritualisme de Berkeley », le « scepticisme empirique de Hume », la « psychologie de l’association ».

Bien des points seraient à relever, et quelques-uns à discuter, dans le tableau de l’Aufklärung française. Après avoir noté fort nettement les traits particuliers qui la caractérisent, l’auteur là fait partir du mysticisme de Pascal, ce qui est un peu inattendu. Cette vue originale est d’ailleurs ingénieuse et moins paradoxale qu’elle ne le paraît. Si ce n’est pas comme mystique que Pascal annonce et prépare notre xviiie siècle, l’auteur des Provinciales et de la dissertation sur l’Autorité en matière de philosophie est, à bien des égards, le précurseur de Voltaire et des encyclopédistes. On n’hésitera pas, en tout cas, à reconnaître ce rôle à Huet et à Bayle, dont le scepticisme est avec raison rattaché à cette période. Quoi qu’il en soit, et que l’on place où l’on voudra la ligne de démarcation entre noire Aufklärung et l’époque précédente (rien n’est si difficile que de trouver des divisions à la fois naturelles et tranchées dans le tissu continu de l’histoire), il faut savoir gré à M. Windelband de l’ordre qu’il a su mettre dans la multitude des travaux dont il avait à démêler les rapports et à apprécier le rôle. Il les range sous les rubriques suivantes : Philosophie de la nature (mécanisme de Fontenelle et de Maupertuis ; disciples français de Newton) ; — Le déisme de Voltaire ; — Le naturalisme (Buffon et Lamarck) ; — Le matérialisme (Lamettrie) ; — Le sensualisme (Condillac) ; — La morale, la philosophie du droit et la philosophie sociale (Helvétius, Montesquieu, Turgot) ; — Les encyclopédistes (d’Alembert et Diderot) ; — Le système de la nature (d’Holbach). Enfin J.-J. Rousseau obtient une place à part, à cause de son influence particulière et directe sur la Révolution.

Les phases et les aspects divers de l’Aufklärung allemande nous sont moins connus. Je ne saurais porter un jugement sur ce chapitre, ni dire si l’ordre adopté par l’auteur est le meilleur possible. Mais on peut, j’imagine, s’en fier à lui sur un terrain qui doit lui être particulièrement familier. Il nous explique d’abord l’état de l’Allemagne au xviie siècle, les divisions religieuses, le morcellement politique, pourquoi enfin le grand mouvement philosophique se dessina là moins rapidement qu’ailleurs. Ce mouvement est l’œuvre de Leibnitz, qui le détermine et le dirige, qui domine toute la pensée allemande Jusqu’à Kant. L’étude de Leibnitz n’occupe pas moins de cinquante pages, très pleines et vraiment excellentes. Peut-être est-il un peu dur d’appeler purement et simplement fatalisme le déterminisme si mitigé par lequel l’auteur de la Thêodicée se flattait expressément de concilier la liberté avec le principe de raison suffisante ; mais je ne discute pas les appréciations de M. Windelband ; cela me conduirait trop loin. Il est en somme dans la vérité, quand il constate que « la doctrine leibnitzienne est essentiellement un fatalisme intelligible » ; seulement j’aimerais mieux dire un déterminisme intellectualiste. Voici comment il conclut, après avoir exposé l’optimisme et constaté que l’imperfection