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logique. » Si cela est, il importe d’autant plus de les exposer dans l’ordre qui les met le mieux en lumière, qui en fait le mieux comprendre la genèse, le développement et les rapports.

La philosophie de la nature en Italie avec Bernardine Telezio, Francesco Patrizzi, Giordano Bruno et Campanella (chap. I), — la philosophie allemande au temps de la Réforme, avec le péripatétisme protestant, Nicolas Taurellus, Valentin Weigel et Jacob Bœhme (chap. II), inaugurent l’ère moderne par une rupture hardie et décisive avec la scolastique. Mais, de part et d’autre, on cherche plutôt à renouveler « le contenu de la pensée philosophique » que la méthode. On s’abandonne à la passion métaphysique, avec la fantaisie soit artistique, soit religieuse, pour seul guide. On s’élève d’emblée d’expériences insuffisantes à la solution des plus hauts problèmes ; on enfante des poèmes non sans beauté, mais dénués de solidité scientifique.

C’est l’empirisme anglais qui achève la révolution et donne décidément à la philosophie moderne son caractère propre : Fr. Bacon et Hobbes renouvellent la théorie de la connaissance (chap. III). Mais le « rationalisme français et le rationalisme hollandais » modifient aussitôt et complètent la méthode nouvelle. Sous l’influence du scepticisme produit en France par la Réforme, et sous l’influence des grandes recherches mathématiques, Descartes conçoit sa célèbre méthode d’analyse et de déduction, à la fois exacte comme le syllogisme, mais plus féconde, féconde comme l’expérience, mais plus rigoureuse. Spinoza, Malebranche et les cartésiens français font de celte méthode les plus hardies applications (chap. IV).

Les trois derniers chapitres (V, VI et VII) sont l’histoire de l’Aufklärung en Angleterre, en France et en Allemagne. On sait le sens de ce mot, qui est sans équivalent dans notre langue[1]. Il désigne, dans l’histoire de la civilisation, le mouvement général des esprits durant a le siècle qui précède la Révolution française ». Émancipée par les luttes, fortifiée par les grands travaux de l’âge précédent, la raison humaine a pris définitivement conscience d’elle-même et confiance en elle-même. « La pensée moderne, se sentant majeure, aspire à faire la loi en toutes choses, demande à la seule réflexion les principes de la conduite, et ne reconnaît plus d’autre guide que la raison. » C’est à Locke, avec toute Justice, que M. Windelband fait commencer cette période ; Locke, qui allie, en quelque sorte, et combine l’empirisme de Bacon avec le rationalisme de Descartes ; Locke, de qui procède (notre auteur l’a bien vu) toute la philosophie anglaise ultérieure, non seulement les doctrines

  1. Voir à ce sujet l’article de M. Gérard Revue philosophique, t. III, p. 443, mai 1877) sur La philosophie de Voltaire d’après la critique allemande. « La critique allemande a un nom pour désigner le siècle dernier, et surtout son œuvre : Aufklärung, le siècle, non pas tant des lumières, comme la langue française m’oblige de traduire, que de l’effort même vers la clarté. » — Cf. le remarquable opuscule de Kant intitulé : Was ist Aufklärung, 1874. édition Hartenstein. t. IV. p. 159.