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analyses. — astié. Mélanges de Théologie.

« rédemption », « salut », selon les conceptions des adhérents de la nouvelle doctrine. L’un, en souvenir des cérémonies de l’antiquité, parlera d’une « expiation » ; un autre (saint Anselme), pénétré de l’idée de la justice de Dieu, expliquera la mort du « Fils de Dieu, Dieu lui-même, » par une « satisfaction vicaire » offerte pour l’offense faite par le premier homme au Tout-Puissant, offense infinie en raison du caractère de l’offensé et qui emporte une peine infinie, que Dieu seul peut fournir. — En d’autres termes, une impulsion a été ressentie au premier siècle de notre ère ; un centre de mouvement s’est formé. Celte action s’est répandue au loin, et encore aujourd’hui, sous des formes diverses, nous la voyons produire ses effets. Voilà le côté immuable du christianisme, cehii auquel seul on peut en bonne science donner le nom d’Evangile[1]. — À ce point de vue et par là, nous pensons écarter l’objection précédemment avancée, peu importe ce qu’a été Jésus de Nazareth, peu importent ses doctrines, peu importe la connaissance que nous pouvons avoir de ces deux objets, pourvu que le mouvement sorti de lui et qui a continué de porter son nom se montre encore à l’heure qu’il est le foyer le plus actif de la vie religieuse et morale. Ajoutons que l’ensemble des personnes qui ont conservé ce « mouvement » et en assurent la transmission s’appelle l’Église ou les Églises. Sous une autre forme, nous acceptons les résultats obtenus par le protestantisme libéral ; mais nous les poussons plus loin encore, et, les poussant plus loin que lui, nous sommes amené à attribuer au dogme, pris d’une manière générale, et à l’Église, conçue également au point de vue moderne, une importance plus grande qu’il n’a fait.

J’avoue que ces idées, quand elles m’ont apparu pour la première fois avec clarté, m’ont quelque peu troublé. J’étais d’ailleurs plus préoccupé à ce moment de la solution d’un problème pratique, qui était la coexistence de deux partis au sein d’une même organisation, que de la question théorique, à savoir des conditions normales du développement d’une dogmatique et d’une association religieuse. J’ai donc pu, à ce point de vue, me féliciter très sincèrement de que le fossé qui séparait lés adversaires n’eût pas été élargi — jusqu’à devenir infranchissable dans l’espèce — par quelques négations et quelques doutes sur l’immortalité personnelle, la personnalité divine, sur l’importance de la personne de Jésus. Gelait une simple question de fait.

Le protestantisme libéral avait eu dans le début le souci de justifier devant l’intelligence les postulats du sentiment religieux, d’établir une philosophie religieuse qui fût l’exposition rationnelle et sytématique de sa foi. Pour tout homme qui réfléchit, rien n’est plus nécessaire, en effet, à une réforme religieuse qu’une élaboration scientifique des points principaux de la foi qu’on veut présenter sous un jour nouveau. C’est ce que les chefs du libéralisme absorbés par les soucis d’une con-

  1. Il est bien entendu que nous prenons ici le mot Évangile au sens dogmatique et non au sens historique, où il signifiait la doctrine même de Jésus de Nazareth.