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l’autre, que le devoir de toute Église à la hauteur de sa mission est d’adapter constamment le dogme qu’elle a reçu de ses pères aux nécessités et aux vues nouvelles de son époque, — cette conséquence-là est tout à l’avantage de la philosophie indépendante, qui ne doit plus trouver dans les gens d’Église des adversaires obstinés, mais des hommes tout prêts à tenir compte de ses travaux et de ses recherches. Comme le dit avec force Baur résumé par M. Astié, « la dogmatique est condamnée à être périodiquement absorbée par l’histoire des dogmes. Voilà pourquoi la haute main appartient incontestablement à cette dernière. Ce qui fait encore ressortir la position dépendante de la dogmatique, c’est que, pour fixer ce qui est permanent et généralement admis par la conscience religieuse d’une époque, elle est obligée de s’orienter en se plaçant au point de vue de l’histoire des dogmes et parfois de faire assez avant invasion dans le domaine de l’histoire pour trouver un point ferme. La conscience du dogmaticien a l’histoire des dogmes pour base ; celui-là seul qui a suivi tout le développement historique du dogme, qui a bien suivi les diverses phases de son évolution, celui-là seul peut faire le départ entre ce qu’il y a de relativement définitif et permanent pour une époque donnée et les éléments transitoires qui reparaissent périodiquement. » — « Le cours entier de l’histoire des dogmes, dit encore Baur, devient une évolution continue qui n’est autre que celle de l’esprit lui-même. À ce titre, l’histoire des dogmes renferme un élément critique… On ne peut adopter une formule nouvelle qu’après avoir reconnu l’insuffisance de celle qui a régné jusqu’alors. Le principe même du mouvement consiste en ceci que les formules ne peuvent jamais reproduire l’essence de la chose que d’une façon inadéquate, ce qui pousse la conscience à en chercher sans cesse de nouvelles, vu qu’elle ne peut prendre son parti de la contradiction qu’elle constate. L’édifice ne paraît s’élever que pour s’écrouler sur lui-même ; l’histoire semble destinée à n’être qu’un changement incessant de formules, servant à manifester clairement tout ce qu’il y a d’accidentel et de fini dans les formes diverses que le dogme revêt successivement. » Il y a dans l’ingénieux exposé que nous venons de reproduire une certaine subtilité. Cette poursuite incessante d’un but jamais atteint me semble plutôt traduire la pensée de l’historien des dogmes, passant en revue ce qui l’a précédé, que celle du dogmatiste d’une époque déterminée, arrivant à définir l’objet de sa recherche d’une façon satisfaisante. Si pour l’historien, tant qu’il est historien, le dogme garde un caractère relatif, il n’en saurait être de même pour les personnes chargées de mettre, à une époque donnée, l’objet de leur foi en relation avec la pensée contemporaine, à l’usage de l’Église dont elles dirigent la marche. Celles-là, sans se faire d’illusions sur le sort réservé à leur manière de voir, au bout de deux ou trois générations, doivent considérer le dogme tel qu’elles le fixent comme vrai dans les circonstances où elles se trouvent, et, si l’on n’est pas heurté par cette alliance de mots : comme relativement absolu. C’est