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aiment le mieux. De même les hallucinations ou illusions érotiques sont fréquentes chez des personnes chastes.

On peut donner d’ailleurs trois raisons des faits de ce genre.

1o  L’éveil de ce que Laycock appelle les substrata ancestraux que les circonstances extérieures ou la maladie mettent en activité. « On s’étonne quelquefois, dit M. Ribot, que des peuples très civilisés, doux, humains, charitables en temps de paix, dès que la guerre éclate, s’abandonnent à tous les excès : c’est que la guerre, étant le retour à l’état sauvage, ressuscite la nature primitive de l’homme antérieure à toute culture et la ramène avec ses hardiesses héroïques, son culte de la force et ses convoitises sans limites[1] » On trouvera quelques faits de ce genre dans une étude de Laycock sur la mémoire ancestrale [2]

2o  La crainte de commettre un acte fixe l’attention sur l’acte et en impose l’idée ; de là, quelquefois, une tendance assez forte à faire l’action qu’on craint d’accomplir.

3o  Enfin, les tendances comprimées peuvent acquérir de la force, surtout quand elles répondent à un besoin organique, et profiter de l’état de faiblesse amené par la longue persistance d’un sentiment opposé pour s’imposer à leur tour.

La première et la troisième de ces raisons confirment la raison tirée de l’insensibilité passagère et partielle des centres nerveux et correspondent à la sensation des couleurs complémentaires, qui remplace, grâce à la fatigue de la rétine, la vue d’une couleur vive.

On peut donc appliquer à l’activité ce qui a été dit des autres parties de l’organisation psycho-physiologique de l’homme. La cause la plus forte annule ou amoindrit les autres tendances et détermine l’acte. Que ce soit dans la vie normale ou dans les manifestations pathologiques que l’on recherche la loi, elle est partout la même, au moins dans le plus grand nombre des cas. Il ne paraît pas y avoir d’ailleurs de limite exacte entre la santé et la maladie. Nous verrons brièvement tout à l’heure s’il y a lieu de généraliser la sélection et le déterminisme, et de les étendre à tous les faits volontaires.

F. Paulhan.
(La fin prochainement.)

  1. Th. Ribot, De l’Hérédité.
  2. Laycock, Les lois de la mémoire personnelle et ancestrale (traduit dans la Revue scientifique. 1876).