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L’ERREUR ET LA SÉLECTION

(2e article[1])




III


Il n’y a pas une ligne de démarcation bien tranchée entre les erreurs de la sensation et les erreurs de l’intelligence ; il est bien probable, en effet, que toute sensation contient un élément intellectuel. Plus d’une des illusions que j’ai déjà rapportées pourrait passer pour être à un certain degré une illusion de l’intelligence. Dans celles que nous allons examiner maintenant, l’élément intellectuel sera plus grand encore ; nous pouvons donc les appeler erreurs intellectuelles.

La loi d’habitude implique que, dans les faits qui se présentent à nous, nous comprenions et nous acceptions plutôt les ressemblances qu’ils présentent avec les faits déjà connus de nous que leurs différences avec ces mêmes faits, en tenant compte bien entendu de la restriction que nous avons mise à cette affirmation en tant qu’elle ne s’appliquerait qu’à la conscience.

Certaines erreurs plus ou moins répandues s’expliquent bien ainsi. Elles sont le produit d’une généralisation hâtive, basée sur des analogies peu importantes, qui nous frappent grâce à nos habitudes d’esprit. Elles sont fréquentes chez les enfants et les sauvages.

Un petit enfant de huit mois a parmi ses jouets favoris une boite en fer-blanc qu’il aime surtout à cause de son ouverture, dans laquelle il met tout ce qui peut y entrer. Cette habitude de mettre un objet dans un autre lui tient au cœur. Dès qu’on lui donne un objet qu’il ne connaît pas, il y cherche quelque apparence d’ouverture. « Une fois, on lui donna un bouchon de carafe que surtout, à cause de sa transparence vitrée, il s’obstina à croire ouvert par le bout cylindrique. Il chercha à faire entrer par là les jambes d’un petit pantin, ensuite un petit berceau de poupée, et enfin, d’un air dépité, le bout de son index[2]. »

  1. Voir le numéro précédent de la Revue.
  2. B. Perez, Les trois premières années de l’enfant. p. 172, 173.