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lettre qu’il écrivait le 13 janvier 1613 à l’évêque de Bath[1] ; mais voici ce que M. Chamberlain mandait à sir Dudley, le 14 du même mois de janvier : « J’ai vu aujourd’hui les deux moines italiens que vous m’avez recommandés. Ils m’ont tenu un long discours d’où j’ai conclu qu’ils sont mécontents et sans ressources. Ils eu sont réduits à faire eux-mêmes leur lit et à balayer leur chambre. Je les ai engagés à faire de leur mieux pour l’amour de Christ. Il paraît que leur compagnon, Jean-Baptiste, ne se trouve pas mieux dans le Nord. » Il s’étonne, dans une lettre postérieure, de les voir si misérables, ce qui prouve que ni lui ni eux-mêmes n’étaient dans le secret du changement de l’archevêque à leur égard. Ils avaient déplu, mais pourquoi ? — Rien ne nous fait connaître ce que devint Vanini pendant ces mauvais jours. C’est peut-être alors, et dans un pressant besoin d’argent, qu’il écrivit pour un libraire et, comme il dit, au courant de la plume, son Traité de médecine (Commentarii medici). Seulement, de plusieurs passages des Dialogues il est permis d’inférer qu’il quitta Londres et qu’il parcourut quelques comtés. Les observations qu’il y a faites ne méritent guère d’être citées ; ce sont des riens, comme on en dit souvent quand on cause ; je les relève pourtant, parce qu’elles serviront à le faire mieux connaître : il dit donc que les raisins ne mûrissent pas en Angleterre et que la bière fait tomber les dents, à preuve celle qu’il a perdue. Il a remarqué — et si c’est une remarque sérieuse, je ne le déciderai point — qu’il n’a vu nulle part de terre blanche en Angleterre : ceci est une pierre jetée dans le jardin d’Albion[2]. Quant à ceux qui s’imaginent que l’Angleterre est fondée à se dire vieille, à cause de sa blancheur, qu’il ne conteste pas, bien qu’il ne l’ait pas vue, ils se trompent singulièrement. Ce n’est pas la vieillesse qui l’a rendue blanche ; c’est un incendie souterrain, car elle est pleine de veines de soufre. Cela, il ne l’a pas vu sans doute, mais il l’a senti devant ces grands feux de charbon de terre que les Anglais construisent si industrieusement[3]. Il a parlé encore d’une source d’eau douce jaillissant du fond de la mer, à l’orient et non loin d’Edimbourg[4]. Son maître Cardan avait goûté de cette eau. Si lui-même en avait bu, il n’aurait pas manqué de s’en faire honneur. Aussi je ne pense pas qu’il ait été en Écosse. Mais il alla à Oxford, dont l’Université devait l’attirer[5]. On était en train d’y convertir un juif qui s’en trouvait assez bien, car, depuis deux ans qu’il se faisait instruire, il vivait entouré de mille soins

  1. M. Palumbo a cité cette lettre sans la publier, p. 13.
  2. De arcan., p. 133, 134.
  3. De arcan., p. 133, 134.
  4. De arcan., p. 108.
  5. Amphith., p. 65.