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comble de ses vœux : l’accord s’établit. Le chapelain de l’ambassade se chargea de le préparer. Pendant qu’il se faisait convertir, il avait communiqué son dessein et ses espérances à deux de ses confrères qu’il savait sans doute aussi las que lui de la discipline monastique ; ils étaient convenus de s’enfuir de compagnie. Il fut arrêté avec sir Isaac Wake que les trois fugitifs monteraient sur un bâtiment en partance pour l’Angleterre, et que, pour ne donner lieu à aucun soupçon, ils n’emporteraient rien avec eux. Leurs malles devaient leur être envoyées à Londres, plus tard, à l’adresse d’un M. Cuthbert[1] ; elles resteraient, en attendant, dans la chambre du chapelain. — Au jour fixé, qui était le 29 avril 1612, sir Dudley leur donna un mot d’introduction pour le maire de Cantorbéry, M. Chamberlain[2] ; il se bornait à prier son ami de faire œuvre chrétienne, en assistant ces honnêtes étrangers, c’est-à-dire Vanini et le P. Jean-Baptiste Marie ; — on n’a pas le nom du troisième. Les trois religieux, qui avaient quitté leur habit, comme on le pense bien, expliquèrent plus longuement à M. Chamberlain en quoi consistait cette œuvre chrétienne. Il s’agissait de les présenter à l’archevêque de la part de sir Dudley. On devine la joie du prélat quand M. Chamberlain alla lui demander son agrément. Elle fut plus grande encore quand il eut pu juger par lui-même du mérite de deux au moins de ces carmes qu’il allait avoir la gloire d’introduire dans le giron de l’Église anglicane. Il se prit de passion particulièrement pour Vanini. L’abjuration de cet Italien dont il vantait le mérite, celle de ses deux compagnons, qui étaient venus de si loin avec lui pour renoncer à leurs erreurs et confesser la vraie doctrine, excitèrent dans le monde de la Haute Église la plus vive curiosité. Le futur chancelier Bacon, qui n’était encore que le docteur François Bacon, voulut y assister et y fut remarqué[3]. La cérémonie eut lieu le 1er juillet 1612, dans la chapelle des Italiens : il paraît par là que nombre d’Italiens s’étaient faits anglicans, lors de la publication de l’édit de 1610, plutôt que de se résoudre à quitter Londres. Le bruit de cette abjuration alla jusqu’à l’ambassadeur d’Espagne, qui en fut outré ; dans sa colère, il ne parlait de rien moins que d’envoyer au bûcher les trois apostats ; il faut sous-entendre sans doute : s’il pouvait les prendre et les faire conduire à Madrid. Cela n’empêcha pas les nouveaux convertis de prêcher dans la même chapelle, le 23 juillet, devant une nombreuse assemblée qui admira la science de Vanini et l’abondance de diction

  1. R. Palumbo, p. 11. Her Majesty’s Record office, volume 71, folio 14.
  2. Id., p. 9. Ibidem.
  3. R. Palumbo, p. 12. Record office, domesic papers, vol, 70.