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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

là, aux mêmes fins que lui, un avantage réel, d’autant plus réel qu’il croyait sincèrement à l’astrologie. On a déjà vu qu’il passa les dernières années de sa vie à faire et à refaire son horoscope, dans l’espérance de le trouver en défaut. Tel qu’il était, on se le rappelle, si Mars se trouvait bien au moment de sa naissance dans la huitième maison, la destinée du fils d’Inès de Noguera était horrible : il périrait certainement de mort violente. Comme c’est en effet ce qui est arrivé, il est encore heureux pour les imaginations vives qu’il n’y ait plus d’astrologues. Sans tenter de les rassurer autrement, il importe de donner la raison de cette. étrange inquiétude de Vanini : elle n’était pas tout à fait vaine. Semblable aux individus qui, suivant les médecins, sont plus sujets que d’autres à certaines maladies, la conscience du philosophe, fouillée et refouillée par un cruel remords, était prédisposée à s’effrayer des menaces des astres. Voici ce qui l’avait troublée.

C’était en 1612. Vanini se trouvait à Paris depuis deux ans à peu près. Il n’y avait pas encore beaucoup avancé sa fortune, mais il s’y plaisait. Sans être devenu un personnage, il n’y était déjà plus le premier venu. Son ambition de savoir, au moins aussi ardente que l’autre, avait trouvé à s’y satisfaire amplement. Il s’était pris de passion pour l’anatomie[1] et la médecine[2], et s’était fait parmi les médecins, qu’il avait commencé par attaquer, des admirateurs et des amis[3]. Grâce à ses leçons, qui avaient pour lui cet avantage d être comme une répétition de ses études, sa vie, à tout prendre, était assez facile. Les hautes protections qu’il s’efforçait de se ménager pouvaient d’un jour à l’autre la rendre moins précaire, moins stérilement laborieuse. En somme, tout lui souriait, quand un événement malheureux vint tout à coup culbuter ses espérances et lui faire perdre le fruit de ses longues et patientes menées. — Parmi les courtisans dont il allait saluer habituellement le lever et le coucher, il y en avait un dont il parle dans ses Dialogues, sans le désigner clairement, avec un sentiment de colère atroce[4]. II donne à entendre que les mœurs de ce personnage étaient odieuses, pour ne pas dire plus. Mais ces mœurs, en 1612, sa vertu apparemment ne les haïssait pas encore. Elle leur était même fort indulgente, s’ingéniant à se faire agréer du maître et d’un adolescent, les délices du maître, qui se nommait Henri Silvius[5]. Il était pourtant bien impossible qu’il plut à l’un sans déplaire à l’autre, et en effet ce fut ce qui arriva. Silvius s’inquiéta d’abord, puis s’irrita du goût qu’on

  1. De arcan., p. 312, 313.
  2. De arcan., p. 312, 313.
  3. Amphith., et De arcan., Préliminaires.
  4. De arcan., p. 454.
  5. Ibidem.