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La raison conçoit nécessairement une hiérarchie de perfection entre les différentes formes de l’existence ; elle affirme, par exemple, que l’être inorganique est de perfection moindre que l’être organisé. Elle affirme même, contrairement à la succession historique des choses dans l’évolution universelle, que le plus parfait est logiquement et métaphysiquement la vraie cause du moins parfait, car il en est la cause finale, la seule condition intelligible. Par suite, franchissant les bornes de l’expérience directe, et prenant l’univers dans sa totalité, elle n’y voit qu’un effet unique dont la cause contient éminemment, comme disait Descartes, toute la perfection qui se révèle dans les créatures de l’ordre le plus élevé, dans les esprits. Et elle prononce ainsi, en vertu de sa loi suprême, le principe de causalité, car un degré de perfection dans l’effet qui ne se retrouverait pas égal ou plus grand dans la cause serait un effet sans cause.

Il ne nous paraît pas en résumé que la critique de Stuart Mill ait sérieusement compromis l’argument cosmologique. Elle a pu faire œuvre utile en obligeant le théisme traditionnel à réviser, à fortifier une preuve dont l’apparente simplicité dissimulait quelques points obscurs ou insuffisamment établis ; elle n’a pas ébranlé le fondement philosophique de la croyance à une pensée souveraine, cause première du monde et de l’esprit humain.

L. Carrau.