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à l’autre il y a rigoureuse équivalence : le mouvement moléculaire qui constitue l’étincelle est égal à celui qu’elle communique ; l’expansion des gaz n’est que la mise en liberté de la quantité d’énergie latente dans^chacun des grains de poudre, qui ne sont eux-mêmes que ces mêmes gaz condensés et solidifiés, etc. La diversité apparente du premier et du dernier terme de la série tient à ce que le premier représente plusieurs facteurs qui s’unissent pour former un groupe, lequel devient à son tour facteur dans un autre groupe, et ainsi de suite jusqu’à l’effet total. Mais, si l’on ne considère qu’un seul groupe de facteurs par rapport à un seul effet, l’identité se manifeste aisément, pour peu que l’on veuille réfléchir. Par exemple la dilatation des gaz n’est que la somme des mouvements moléculaires de chaque grain de poudre et de ceux qui constituent l’étincelle. — De même encore, dit M. Lewes, un verre de punch semble différent du rhum, de l’eau, du sucre et du citron qui le composent ; mais ni le citron, ni le sucre, ni l’eau, ni le rhum, pris à part, ne forment le punch ; la vraie cause du punch, c’est le mélange de ces quatre substances, et ce mélange est le punch même ; il est identique à son effet, et celui-ci commence d’exister au même instant que la cause dont il ne se distingue que pour l’abstraction.

On comprend, sans qu’il soit besoin d’insister, les conséquences de cette doctrine pour l’argument cosmologique. L’univers, comme effet, devient identique à Dieu comme cause ; il n’y a plus entre eux qu’une différence de points de vue ; c’est la natura naturans et la natura naturata de Spinoza ; c’est le plus pur panthéisme. L’univers est coéternel à Dieu, ou, si l’on veut à toute force que l’univers ait commencé, Dieu a commencé avec lui. En réalité, il ne saurait plus être question d’appliquer à l’univers la loi de causalité, l’univers ne représentant, aux yeux de M. Lewes, que la totalité abstraite de tous les antécédents et de tous les conséquents susceptibles d’être donnés dans l’expérience, sans qu’on puisse rien penser légitimement au delà.

Une telle manière de voir se conçoit chez un expérimentaliste ; il est plus surprenant de rencontrer des objections analogues contre la possibilité d’une cause première distincte du monde, sous la plume d’un théologien métaphysicien. On sait pourtant que, dans le grand débat entre Hamilton et Stuart Mill sur la nature de l’absolu, M. Mansel a pris une position qui est, à beaucoup d’égards, celle de M. Lewes. M. Mansel soutient, lui aussi, que « la cause comme cause n’existe qu’en relation avec son effet ; que la cause est une cause de l’effet ; l’effet, un effet de la cause ; » il en conclut que nous ne pou-