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si elles étaient écrites en entier, pourraient couvrir la surface de la terre entière. »

On sait d’ailleurs que certaines déductions tirées par M. Thomson de la théorie de la chaleur de Fourier semblent établir scientifiquement que l’univers a eu un commencement dans la durée. « Il est impossible, dit encore M. Stanley Jevons, de tracer l’histoire de la chaleur de l’univers, en remontant à une distance infinie dans le passé… Les formules donnent alors des valeurs impossibles qui montrent qu’il y a eu quelque distribution initiale de la chaleur, laquelle n’aurait pu être, selon les lois connues de la nature, le résultat d’aucune distribution antérieure. Il y a d’autres cas où la considération, de la dissipation de l’énergie conduit à la conception d’une limite relativement à l’antiquité de l’ordre actuel des choses. » Il est vrai que des objections graves ont été faites contre quelques-unes des conséquences de la théorie de Fourier ; mais ces objections n’ont de valeur que dans l’hypothèse où la matière et l’énergie seraient infinies et l’espace limité ; or une telle hypothèse est difficilement acceptable, et tout porte à croire que la matière est finie et l’espace sans bornes.

En résumé donc, il est permis de conclure que, jusque dans ses éléments ultimes, l’univers implique mouvement, changement, partant qu’il a commencé, qu’il est un phénomène et qu’il a une cause. La tentative de Stuart Mill de soustraire à la loi de causalité une portion, prétendue immuable et éternelle, de l’univers, est condamnée par la science. Aux yeux même d’un positiviste, pourvu qu’il n’aille pas jusqu’à bannir toutes les hypothèses, fussent — elles les plus légitimes, relativement à la constitution de la matière, l’antique argument cosmologique n’a rien perdu de sa solidité.

III

Nous venons de résumer brièvement la discussion la plus remarquable que nous connaissions du dualisme de Stuart Mill. Tout n’est pas dit cependant, et la preuve de l’existence de Dieu comme cause de l’univers est loin d’être achevée.

D’abord, à supposer que la théorie atomistique de Thomson fût généralement admise, il s’ensuivrait tout au plus qu’une cause suprasensible est nécessaire pour expliquer l’origine des tourbillons qui ont donné naissance aux atomes ; il resterait à démontrer que l’éther même a eu un commencement. Pourquoi l’éther ne serait-il pas éternel et incréé ? Pourquoi n’y verrait-on pas, sous un nom plus