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suprême abnégation du savant en face de la nature. Le philosophe n’est pas un politique qui subordonne la vérité à l’utilité ; il n’a pas de « drapeau », et il n’est d’aucune religion. Le domaine positif de la philosophie est une propriété commune que tous doivent cultiver, parce qu’elle est riche en subsistances pour tous.

Même dans le domaine conjectural, où commence la diversité des systèmes, il faut encore dégager par l’analyse des séries de propositions intermédiaires qui, une fois déduites et reliées scientifiquement, pourront se transporter d’un système dans l’autre et établir ainsi des points de contact entre les conjectures opposées. C’est ce que, pour notre part, nous avons essayé de découvrir dans les hypothèses contraires sur la liberté morale ou sur la nature absolue du droit : ces hypothèses, malgré leurs oppositions, ont aussi leurs coïncidences. Par cette méthode on obtient des vérités précieuses, qui peuvent convenir également à plusieurs doctrines et y entrer comme éléments intégrants. De même, il y a dans la musique des membres de période qui peuvent appartenir à des tons divers, des thèmes qu’on peut accompagner par des harmonies différentes. Cette détermination des parties communes aux divers systèmes complète celle des parties indépendantes de tout système et facilite l’accord entre les esprits.

II. Le procédé que nous venons de décrire, quand on l’a employé méthodiquement et jusqu’au bout, a l’avantage de mettre à la fin en relief les solutions vraiment propres à un système ou qui paraissent telles. On se trouve alors arrivé au point où commencent les réelles divergences : on est pour ainsi dire sur la ligne de partage des eaux.

Or le but que nous nous proposons, c’est de faire rentrer les systèmes particuliers dans une synthèse plus large et de montrer jusqu’à quel point ils se relient. Mais pour cela il faut travailler sur des systèmes-types, c’est-à-dire vraiment logiques ou rationnels en toutes leurs parties, vraiment complets, et auxquels viennent se réduire les systèmes plus ou moins inconséquents et incomplets qu’offre l’histoire de la philosophie. Il est clair, par exemple, que ce n’est pas un faux naturalisme et un faux idéalisme qu’on doit s’efforcer de concilier, mais un naturalisme et un idéalisme vraiment typiques. De même, pour apprécier et comparer entre eux le matérialisme métaphysique et le spiritualisme métaphysique, il ne faut pas les prendre à l’état d’ébauches informes, mais dans leur plus grande perfection possible. De là la seconde règle de la méthode que nous proposons : rectifier et compléter les divers systèmes, de manière à en former des systèmes-types. C’est là un travail préparatoire qui ne doit pas être négligé ; car c’est seulement quand une doctrine a été ainsi reconstruite sur un meilleur plan, débarrassée de ses