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nolen. — les maîtres de kant

Wolf ont introduit en métaphysique l’imitation exclusive de la méthode des mathématiciens, la synthèse : il leur oppose la méthode des physiciens, l’analyse. « La vraie méthode de la métaphysique est, au fond, identique à celle que Newton a introduite dans la physique et qui a eu de si utiles résultats. Ou doit, dit cette méthode, chercher à l’aide d’expériences sûres, et sans doute en faisant usage de la géométrie, les lois qui président à la production des phénomènes. Si l’on ne saisit pas dans les corps le fondement dernier de ces lois, il est pourtant certain que les corps agissent d’après ces lois. Les phénomènes complexes sont expliqués, si l’on montre qu’ils se ramènent à ces lois bien démontrées. Cherchez de même en métaphysique par une sûre expérience intérieure, c’est-à-dire par le témoignage évident et immédiat de la conscience, à démêler les éléments qui sont certainement contenus dans le concept d’une propriété générale : quoique toute l’essence de la chose ne vous soit pas encore connue, vous pouvez vous servir de ces données pour déduire un grand nombre de propriétés dans la chose. » Les philosophes s’égarent en croyant pouvoir poser dès le début comme incontestables des définitions et des axiomes, ainsi que font les mathématiciens : ils doivent les dégager par une analyse attentive des notions confuses que leur fournissent la conscience et le langage populaire. « Quand l’analyse nous aura conduit à des notions évidentes et complètement entendues, alors la synthèse pourra, comme en mathématiques, subordonner aux concepts les plus simples les concepts les plus complexes. » C’est ainsi que sur la matière, sur le temps, l’espace, sur le devoir, sur Dieu, on peut établir quelques propositions certaines, si l’on ne réussit pas à résoudre toutes les difficultés.

La notice qui accompagne le programme des leçons de 1765 à 1766 nous montre comment Kant justifie par l’exemple la méthode dont il vient d’esquisser la théorie. Son enseignement de la métaphysique débute par l’étude de la psychologie empirique, qui est particulièrement la science métaphysique expérimentale de l’homme : on n’y prononce pas le mot d’âme, et il n’est pas encore permis d’affirmer qu’il y en ait une. A la psychologie de l’homme peut être rattachée celle des animaux. —Il est ensuite question de la matière et des corps. — Ce n’est que dans l’ontologie, qui traite des propriétés générales des êtres, que la question des rapports de l’esprit et de la matière peut être agitée, et que trouve place la psychologie rationnelle. — Enfin la science de Dieu couronne la métaphysique. C’est là l’ordre inverse à la marche synthétique, qu’adopte la métaphysique de Baumgarten, dont Kant se sert comme de texte à ses