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que J. H. von Kirchmann a justement signalées dans ses Éclaircissements aux écrits de Kant sur la philosophie de la nature (Erläuterungen zu Kant’s Schriften zur Naturphilosophie, Leipzig, Koschny, 1877), le principe n’en a pas moins gardé toute sa valeur dans la science. Quelques-unes des hypothèses de Kant ont d’ailleurs reçu une éclatante confirmation des découvertes récentes : ainsi Herrschel, Kater et Encke ont repris et démontré l’idée de Kant sur les divers anneaux de Saturne.

L’auteur, dans une seconde partie, qu’il distingue soigneusement de la première, donne l’essor à son imagination, et se laisse aller à de poétiques et hardies considérations sur l’infinité cosmique, sur la naissance et la destruction incessantes des mondes, sur les habitants des planètes et le développement de la vie et de l’intelligence dans l’univers. Les mêmes lois mécaniques qui président à la naissance et à la conservation d’un monde doivent irrévocablement amener sa destruction : les pertes que la nature éprouve ainsi sur un point sont compensées outre mesure par la fécondité qu’elle déploie sur un autre. « La nature montre qu’elle est aussi riche, aussi inépuisable pour la production des plus parfaites comme des plus infimes des créatures ; et les soleils éteints, qui font une ombre nécessaire à l’éclat varié de tant d’autres soleils, prouvent combien il lui coûte peu de les produire. L’infinité de la création est assez grande pour qu’un monde ou une multitude de mondes, comme ceux qui remplissent une voie lactée, ne soit pas plus en regard de l’univers qu’une fleur ou un insecte comparé à la terre… La destruction commence par les corps célestes qui sont les plus voisins du point central d’un ensemble cosmique, là où la formation et le développement ont pris d’abord naissance ; de là, la destruction étend ses progrès au loin et plonge successivement dans le chaos, par la cessation graduelle du mouvement, les mondes qui ont parcouru la période assignée à leur durée. Mais d’un autre côté, à l’extrémité opposée à celle des mondes qui sont maintenant formés, la nature est incessamment occupée à produire des mondes nouveaux à l’aide des mondes détruits ; et, tandis qu’elle vieillit d’un côté près du point central de ses formations antérieures, elle se montre de l’autre rajeunie et pleine de fécondité. Si l’on imagine, selon toute vraisemblance, qu’un monde arrivé à la perfection peut durer plus de temps qu’il ne lui en a fallu pour atteindre à cette même perfection, on comprendra que, en dépit de toutes les destructions qui s’y accomplissent nécessairement, l’univers dans l’ensemble se développe sans cesse[1]. » La nature est comme un phénix qui se brûle lui-même pour

  1. Kant’s Werken, t. I, p. 302.