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nolen. — les maîtres de kant

M. Dieterich, « l’élève regardait comme une question vitale pour la science exacte que son maître avait portée à une perfection inconnue Jusque-là, que toutes les interventions surnaturelles fussent bannies de l’enchaînement naturel des phénomènes, et que les phénomènes les plus compliqués fussent déduits des lois générales du mouvement propre aux éléments irréductibles de la matière. La ligne de séparation, que Newton voulait tracer entre la nature et le doigt de Dieu, ne pouvait paraître à son disciple qu’une malheureuse inspiration[1]. »

Kant entreprend donc hardiment de suppléer au silence du maître, persuadé qu’il se montre en cela plus fidèle aux principes de Newton que Newton lui-même.

Ce n’est pas seulement au nom de la logique, mais au nom de l’expérience et des faits, que cette extension de la théorie peut se justifier. Qu’on n’invoque pas contre elle les périls imaginaires qu’elle ferait courir à la foi religieuse. « Il y a un Dieu justement parce que la nature, même au sein du chaos, ne peut se comporter qu’avec ordre et mesure[2]. Si l’on peut s’affranchir d’un ancien préjugé et de cette philosophie paresseuse, qui cherche à dissimuler sous une mine dévote sa paresse et son ignorance, j’espère établir, sur des preuves irréfutables, que le système du monde doit son origine au développement des lois générales de la nature[3]. » Il suffit de supposer que la matière dont sont formés les corps célestes était, à l’origine, diffuse à travers l’espace infini ; et que ses éléments différaient entre eux par la pesanteur. Cet état primitif a-t-il été celui du repos ou du mouvement ? la quantité de la matière originelle est-elle infinie ou limitée’? Kant, dans la théorie du ciel, se décide pour les deux premières hypothèses, mais sans paraître y attacher d’importance. (Il se prononcera pour les autres dans la dissertation de 1770 et dans l’essai de 1785, sur les volcans de la lune.) Les éléments primordiaux sont doués des deux forces de l’attraction et de la répulsion ; et les combinaisons à l’infini qui résultent de l’antagonisme et de l’équilibre de ces forces doivent rendre compte de tous les phénomènes. C’est ainsi que s’expliquent la formation et la conservation du système solaire et de celui des étoiles fixes.

Malgré les erreurs de détail que renferme la théorie de Kant et

  1. Dieterich, Kant und Newton, p. 19.
  2. 2. Kant’s Werke}, t. I, p. 217.
  3. Ibid., p. 316. — Voir, à propos de l’Histoire du ciel, comme des autres écrits de la période antécritique, l’analyse que nous avons présentée, à un point de vue différent, des idées de Kant dans notre livre : La critique de Kant et la métaphysique de Leibniz, Paris, 1875, chez Germer Bailliére.