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ANALYSESsiebeck. — Ueber das Bewusstsein.

l’objet avec d’autres éléments intégrants de la conscience. « Que dire des actions qui sont accomplies dans l’état d’inconscience, comme on l’appelle (exemple : les extases des maniaques, l’ivresse, le sommeil profond), et dont l’agent ne peut être rendu responsable ? En raison de ceci, qu’une fois la crise passée tout souvenir de ce qui a eu lieu a coutume de disparaître, nous sommes autorisés à inférer que l’inconscience amenée par l’altération physiologique des organes consiste, psychologiquement parlant, dans l’absence de toute adaptation des représentations nouvelles venues avec le contenu ordinaire de la conscience, autrement dit vient de ce que toute relation est supprimée entre les premières et le cercle prédominant de représentations ou de pensées de l’individu considéré. »

De là une importante définition. Le mot « nature » désigne toute existence objectivement donnée qui peut revêtir la propriété caractéristique de la conscience, en passant par ses opérations synthétiques : il s’applique aux états de l’âme aussi bien qu’aux choses dites extérieures. Les lois du monde extérieur et celles du monde intérieur sont également des produits de celle synthèse, et il est vain de se demander si c’est la nature qui se reflète en nous, ou si c’est le contraire. Les lois de la nature sont la condition de la possibilité de la connaissance, et réciproquement les formes de la conscience sont les modes de cette activité synthétique sans laquelle il n’y aurait pas de connaissance. En conséquence, on peut dire que cette activité synthétique de l’esprit est une sorte de représentation à priori de la nature. L’invariabilité des lois naturelles n’est que la conscience de l’universalité et de la nécessité du rapport saisi et établi par l’intelligence : aux synthèses factices trop hâtivement faites, le travail scientifique substitue des synthèses objectives, c’est-à-dire consistantes.

Les considérations sur la conception actuelle de la « philosophie naturelle » que M. H. Siebeck rattache à cette critique de la connaissance sont dignes de remarque. On ne doit pas trop prendre au mot les savants, lorsqu’ils assignent à la connaissance de la nature un but unique : résoudre les phénomènes de la nature en mécanique des atomes. Cette conception aujourd’hui régnante n’est point celle du commencement de ce siècle, imbue de l’esprit métaphysique et spéculatif, encore moins celle du temps d’Aristote. L’objectif a changé, mais les problèmes non résolus subsistent et doivent reparaître ; de sorte qu’il y a en réalité autant de définitions de cette locution : « connaître la nature », qu’il y a d’espèces de problèmes posés par l’esprit et de méthodes exigées par ces problèmes. Le lien commun, c’est la recherche de la loi suprême à laquelle toutes les autres se ramèneraient.

Mais, ce résultat même obtenu, il resterait encore à connaître l’essence de la conscience : là est l’énigme dernière, puisque la nature n’est que le contenu de la conscience. « Autre est ce contenu pour l’animal inférieur, autre pour l’homme. La philosophie naturelle n’a