chose en soi, d’autre part la volonté comme phénomène, celle-ci n’étant guère que la passion transformée. « Comme phénomène, la volonté est une synthèse réelle de forces organiques et psychiques, solidement reliées les unes aux autres par une habitude, ou plutôt par une série d’habitudes personnellement contractées, i Au fond, nous voyons développée ici cette grande vérité que la volonté humaine se crée peu à peu, qu’elle a besoin d’être édifiée, et quelle trouve des aliments jusque dans les dispositions passionnées.
La classification des passions, que M. Maillet aborde dans le cinquième et dernier livre, est un travail particulièrement délicat et compliqué. Quel principe choisir pour distribuer en catégories, malgré leur diversité infinie, les mouvements désordonnés de l’âme ? Sera-ce la nature des objets qui servent de terme et de but à ces excitations intérieures ? Ou bien prendra-t-on pour point de départ les caractères intrinsèques et subjectifs des passions ? ou encore le siège physiologique auquel les passions correspondent ? C’est à ce dernier parti que s’est arrêté M. Maillet, Il admet en effet trois séries de passions : les passions organiques, les passions mixtes ou organico-cérébrales, enfin les passions cérébrales. Cette énumération n’est guère que la reproduction de celle que proposait il y a quelques années l’auteur de la Physiologie des passions, M. Ch. Letourneau[1]. Dans ce livre nous trouvons déjà indiquées trois catégories de passions, les passions nutritives, sensitives et cérébrales. Seulement M. Maillet pousse l’analyse un peu plus loin que son devancier. C’est ainsi que dans la première catégorie il distingue d’abord deux passions fondamentales, l’audace et la peur, puis trois séries de phénomènes passionnés correspondant aux trois besoins essentiels de l’homme, à la nutrition, à la génération, enfin à un besoin plus vague et assez mal défini qu’il « appelle le besoin d’excitation ». Le défaut principal de cet essai de distribution méthodique, c’est que l’auteur met sur la même ligne des passions générales que l’âme ressent à l’occasion de tous ses amours, de toutes ses inclinations, l’audace et la peur, et puis des passions toutes particulières, étroitement limitées et circonscrites dans leur siège comme dans leur objet, la gourmandise par exemple et l’instinct sexuel. C’est là du reste un défaut commun à la plupart des classifications tentées par les psychologues dans les régions confuses et obscures de la sensibilité. Dans la division qu’il propose pour les Émotions, M. Bain lui aussi fait figurer côte à côte la peur, la colère, et l’amour du beau, l’amour du vrai, juxtaposant aussi dans des catégories analogues des phénomènes très-différents : d’une part des dispositions purement subjectives de l’esprit, qui répondent à un objet vague ou pour mieux dire à une multitude d’objets, et d’autre part des affections toutes spéciales, caractérisées par la poursuite d’un seul et unique but.
- ↑ Ch. Letourneau, Physiologie des passions, 1 vol. in 12, Paris, Germer Baillière, 1868, p. 81.