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des considérations exposées quelques pages plus haut. À défaut de cela, le caractère captieux de la distinction imaginée doit avoir frappé tout esprit accoutumé à examiner des réalités.

IV

Abordons maintenant l’objet de la logique, et examinons une conception d’une importance particulière pour cette science, la notion de réalité. Si par une idée claire on entendait une idée familière, aucune ne serait plus claire que celle-là. L’enfant s’en sert avec la plus entière confiance, et jamais il n’imagine qu’il ne la comprend pas. Toutefois, s’il s’agit de la clarté à son second degré, bien des hommes, même parmi ceux qui sont habitués à réfléchir, seraient embarrassés de donner une définition abstraite du réel. Cependant on peut arriver à formuler cette définition en considérant les différences entre le réel et son opposé le fictif. Une fiction est le produit d’une imagination humaine ; elle a les caractères que lui impose la pensée qui la crée. Ce qui a des caractères indépendants de la pensée de tel ou tel homme est une réalité extérieure. Il y a cependant des phénomènes ayant pour théâtre l’esprit de l’homme et sa pensée pour élément, et qui sont en même temps réels, en ce sens qu’on les pense réellement. Mais si leurs caractères résultent de notre façon de penser, ils ne résultent pas de la façon dont on pense qu’ils sont. Ainsi, un rêve existe réellement comme phénomène intellectuel, pourvu qu’on l’ait rêvé. Qu’on ait rêvé de telle ou telle façon, cela ne dépend pas de ce qu’en peut penser qui que ce soit, mais est entièrement indépendant de toute opinion sur ce sujet. D’autre part, si l’on considère, non point le fait de rêver, mais la chose rêvée, le rêve ne possède certains caractères que parce que nous avons rêvé qu’il les possédait. Ainsi, le réel peut se définir : ce dont les caractères ne dépendent pas de l’idée qu’on peut en avoir.

Si satisfaisante, toutefois, qu’on puisse trouver cette définition, ce serait une grosse erreur de supposer qu’elle rend parfaitement claire l’idée de réalité. Appliquons donc ici les règles de notre méthode. Conformément à ces règles, la réalité, comme toute autre qualité, consiste dans les effets perceptibles particuliers produits par les choses qui la possèdent. Le seul effet des choses réelles est de produire la croyance, car toutes les sensations qu’elle excite apparaissent dans la conscience sous forme de croyance. La question se ramène donc à savoir ce qui distingue la croyance vraie ou croyance au réel, de la croyance fausse ou croyance à la fiction. Or, comme