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Les idées, comme telles, ne sauraient être fausses, mais nous en faisons de fausses associations ; c’est là la principale cause de l’erreur. Nous nous trompons encore quand nous considérons le contenu de nos sensations comme quelque chose d’extérieur, et enfin la nécessité de se servir de mots_, même pour penser, est encore une source abondante de faux jugements. D’une manière générale, nous avons conscience de l’erreur dans le cas seulement où deux idées différentes se rapportant au même objet sont contradictoires. Celle des deux qui a le moins de force d’affirmation est fausse. Nous ne nous tromperions jamais, si nous avions toujours la perception immédiate des objets ; mais nous sommes rarement en mesure d’employer cette pierre de touche, car le plus souvent nous n’avons à rapporter aux objets que des reproductions d’idées.

Le raisonnement nous sert à corriger l’erreur. Le syllogisme permet de conclure d’un fait à un autre, dit M. Spir, lorsque leur identité est à priori certaine. Il repose sur ces deux axiomes fondamentaux : 1° on peut appliquer la même qualification à deux choses identiques ; 2° à deux choses non identiques, on ne peut pas appliquer la même qualification. Stuart Mill a eu raison de considérer ce mode de raisonnement comme une pure tautologie. Toutefois il y a progrès dans la connaissance, en ce que les propositions qui composent le raisonnement sont synthétiques, c’est-à-dire qu’elles servent à unir des éléments différents ; mais elles sont synthétiques à priori en mathématiques, selon la remarque de Kant, et ce qui est alors conclu n’a pas besoin de critérium, si la forme de l’argument est irréprochable.

On raisonne par induction quand la ressemblance des faits dont il s’agit n’a été constatée que d’une façon empirique. De ce que plusieurs phénomènes apparaissent ensemble, nous concluons à une relation entre eux. Quand nous rencontrons quelques-uns d’entre eux, nous croyons à la présence des autres. Toute notre expérience perdrait sa valeur si nous supposions que cette attente où nous sommes alors est un effet de l’habitude, et qu’il n’y a pas de raison d’admettre une relation entre les faits. Nous sommes forcés de reconnaître comme le fondement de toute induction, aussi bien dans la science que dans la vie ordinaire, qu’il n’y a pas de changement sans cause. Il faut donc qu’il y ait quelque chose qui ne change pas, et ce sont les lois mêmes du changement. La nature, dans ce qu’elle a de général, c’est-à-dire dans la liaison de ses éléments, reste semblable à elle-même, et il y a réellement en elle des cas identiques. Tout phénomène doit être considéré comme élément d’un groupe, élément qui coexiste et toujours est donné avec ce groupe dans des conditions déterminées, et tout changement ne peut se concevoir que lié à un antécédent. Ce double principe une fois établi, nous y trouverons l’unique fondement de la pensée et le critérium par excellence de la vérité.

M. Spir passe ensuite en revue toute la variété des systèmes relatifs à la nature du monde extérieur pour aboutir à cette conclusion : 1° ce