Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/575

Cette page n’a pas encore été corrigée
569
analyses.spir. Denken und Wirklichkeit.

car elle contient tout ce que contient l’objet, ce qui n’arrive pour aucune image. Les images, en outre, n’ont aucune liaison avec les objets. L’idée est à la fois l’image et le spectateur ; elle implique cette affirmation que son contenu se rapporte à un objet extérieur, et cette affirmation constitue ce que l’on appelle la croyance (Glauben, Belief).

Au point de vue psychologique, la sensation diffère de l’idée en ce qu’elle est plus vive ; elle en diffère aussi en ce qu’elle change sous l’influence des objets extérieurs, tandis que l’idée ne change pas. Les sensations ont des causes physiologiques ; l’idée est un fait interne. Aucune combinaison de circonstances purement physiques ne peut produire cette affirmation de l’existence de quelque chose de réel, ou de la ressemblance du représentant et du représenté, en quoi consiste le jugement.

En résumé :

1° L’idée renferme une liaison essentielle avec les objets, une liaison d’une espèce toute particulière et comme il n’en existe nulle part ailleurs, car l’idée porte son objet en elle-même, en est la répétition et l’affirmation ;

2° L’idée n’est pas la simple reproduction de l’objet, car elle n’en a pas les qualités ;

3° L’idée est une donnée, un fait primitif, comme la couleur et le son. Ses propriétés ne peuvent être déduites d’aucune propriété ou d’aucun rapport d’objets connus ; c’est ce que Leibniz a voulu marquer par la fameuse correction : « Nisi ipse intellectus. »

Mais il ne faudrait pas conclure de ce qui précède qu’il existe des objets, comme on l’entend vulgairement. Le vrai réalisme peut se résumer en ces termes : Les objets de nos idées sont réels et différents de ces idées ; il ne s’ensuit pas que ces objets soient des corps ou même des choses extérieures dans le sens ordinaire du mot.

Les idées se distinguent les unes des autres par la diversité de leur contenu ; l’être qui a ces idées, qui compare, juge et raisonne, le sujet pensant, connaissant, est nécessairement un. Tout ce que nous percevons est reconnu par nous ou comme nous étant propre, ou comme nous étant étranger ou extérieur, et ce nous est toujours la même unité. Ses idées ne sont pas des atomes psychiques qui réagissent les uns sur les autres, mais plutôt des actes du sujet dont la fonction essentielle est de rattacher h des objets les contenus qui se produisent en lui et d’en tirer des jugements, des raisonnements. Il faut, par suite, que les lois du sujet connaissant aient une connexion nécessaire avec les objets, qu’elles soient simplement des principes généraux d’affirmation relativement aux objets, c’est-à-dire une nécessité intérieure de croire telle ou telle chose des objets. Depuis Kant, ces lois logiques, toutes différentes des lois physiques, sont appelées les conditions à priori de la connaissance, par opposition à tout ce que le sujet acquiert dans le cours de son existence, et l’on peut dire à tout le contenu du sujet, car il n’a pas par lui-même de contenu.