Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/571

Cette page n’a pas encore été corrigée
565
analyses.helmiioltz. Les faits dans la perception.

axiomes d’Euclide, échappent à toute représentation, comme en faisant de l’intuition sensible en général un processus psychique et irréductible, était influencé par l’état où se trouvaient de son temps la mathématique et la physiologie des sens. Le concept de formes extensives (Raumgehilde), qui ne doivent pas répondre à l’intuition habituelle, ne peut être sûrement développé que par les calculs de la géométrie analytique. C’est ce qu’a fait Gauss en 1828, pour la première fois. Et Riemann a constitué, sur les mêmes principes, le système conséquent de géométrie qu’on a nommé assez convenablement la métamathématique. Lobatschewski a, dans le même esprit, construit une géométrie, sans le théorème des parallèles. Beltrami a trouvé « une méthode pour représenter les espaces métamathématiques dans les parties de l’espace euclidien ». Enfin Lipschitz « a démontré l’application des principes généraux de la mécanique à de tels espaces ». La difficulté qu’offre la représentation de ces espaces métamathématiques ne peut être levée que par des esprits exercés à l’intelligence des méthodes analytiques, des constructions de la perspective et des phénomènes de l’optique. Mais, de ce qu’une intuition nous est devenue facile et comme spontanée par l’habitude, il ne suit pas qu’elle l’ait été au début. Ainsi le langage des paroles, des couleurs, des lignes, que nous interprétons avec tant de sûreté et de promptitude, n’en a pas moins été laborieusement appris à l’origine. Nous faisons, à chaque instant, sans même en avoir conscience, ainsi qu’il est facile de le montrer en optique et en acoustique, des raisonnements inconscients, dont les majeures représentent pourtant une somme d’expériences lentement élaborées et totalement effacées de notre souvenir. La difficulté qu’on éprouve à se représenter les relations dans l’espace métamathématique ne saurait donc être invoquée contre la possibilité d’en avoir l’intuition (gegen ihre Anschaubarkeit). Le seul fait que cette possibilité est parfaitement démontrable ruine la preuve de Kant en faveur de la nature transcendantale des axiomes géométriques.

Les partisans de la théorie nativiste ne combattent la doctrine empiriste, que nous défendons ici, que parce qu’ils ne se rendent pas compte du rôle que jouent nos souvenirs dans nos perceptions.

Les hypothèses nativistes sur la connaissance du champ visuel n’expliquent rien, mais constatent seulement l’existence d’un fait. En second lieu, la doctrine qui fait sortir les représentations des objets toutes faites d’un mécanisme organique est beaucoup plus compliquée et suspecte que celle de la théorie empirique, selon laquelle les impressions du dehors ne fournissent que la matière inintelligible des sensations, tandis que les représentations sont formées suivant les lois de l’entendement. En troisième lieu, les hypothèses nativistes ne sont pas nécessaires. En vain, pour les soutenir, invoque-t-on la sûreté des mouvements exécutés, dès la naissance, par un grand nombre d’animaux. Nous sommes trop ignorants des processus qui se produisent alors pour pouvoir en tirer quelque conclusion sur le sujet qui nous occupe.