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qu’elle fournit se distingue essentiellement de celle que donne la raison, en ce qu’elle est conjecturale, et l’action qu’elle exerce, de l’action exercée par le sentiment, en ce qu’elle est contingente. Peut-être la « raison pratique » de Kant, convenablement interprétée, se confondrait— elle avec cette conception ; mais Kant aurait toujours eu le tort d’employer une dénomination amphibologique.

VII

La liberté.

La condition subjective de l’obligation est la liberté de l’agent. Un être non libre peut être contraint, il ne saurait être obligé. La liberté n’est pas seulement nécessaire au devoir, elle fonde encore la responsabilité. Pas plus qu’aucun philosophe moderne, M. de Hartmann ne conteste ces prémisses ; toute la difficulté est de savoir en quoi consiste cette liberté que réclame la morale. On sait que c’est le problème le plus épineux de toute l’éthique et probablement de la philosophie tout entière ; des volumes ont été accumulés sur la matière, et la solution définitive n’est pas près d’être donnée. M. de Hartmann croit que son analyse répond à toutes les exigences[1]. Voyons s’il en est ainsi.

Comme son maître Schopenhauer (dans le petit Essai sur le libre arbitre), Hartmann voit dans la liberté un concept purement négatif, l’absence de contrainte. Les termes positifs employés çà et là ne doivent pas faire illusion à cet égard ; nous verrons que les mots empire sur soi-même, renoncement, etc., ne sont pour lui que des expressions commodes, qu’il définit invariablement par des périphrases négatives. Cette conception négative de la liberté se vérifie dans tous les domaines où la liberté joue un rôle : politique, religion, esthétique. Il s’agit ici de l’appliquer à la liberté morale et de rechercher quelle est la sorte de contrainte dont l’absence constitue cette liberté. Pour M. de Hartmann, la réponse est complexe : il y a plusieurs sortes de déterminisme qui sont incompatibles avec les exigences de la morale, et il les énumère dans l’ordre suivant :

La possession démoniaque. — La première condition de l’imputabilité est que ce soit bien moi qui agisse et non un démon en moi. Cette condition constitue l’activité propre de l’individu.

Les désordres pathologiques qui troublent le processus physio-

  1. « Le concept de la liberté, nous écrit-il, n’est pas un de ceux dont je « crois devoir reprendre l’étude théorique dans une Éthique individuelle. »