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représenteraient aucun fait comme différent de ce qu’il est : elles impliqueraient seulement des arrangements d’idées qui seraient excessivement incommodes.

Ceci conduit à remarquer que la question de ce qui arriverait en des circonstances qui n’existent pas actuellement n’est pas une question de fait, mais seulement d’un plus clair arrangement de faits. Par exemple, la question du libre arbitre et du destin, dépouillée de tout verbiage, se réduit à peu près à ceci. J’ai fait une action dont j’ai honte ; aurais-je pu, par un effort de volonté, résister à la tentation et agir d’autre façon ? La réponse philosophique est que ce n’est point là une question de fait, mais seulement une question d’arrangement de faits. Disposons-les de façon à mettre en lumière ce qui touche plus particulièrement à ma question, c’est-à-dire si je dois me reprocher d’avoir mal agi. — Il est parfaitement exact de dire que, si j’avais voulu agir autrement que je n’ai fait, j’aurais agi autrement. Mais disposons maintenant les faits de façon à mettre en relief une autre considération importante : il est également vrai que si on laisse agir une tentation et si elle a une certaine force, elle produira son effet : à moi de résister comme je le puis. Que le résultat d’une hypothèse fausse soit contradictoire, cela n’est pas une objection. La réduction à l’absurde consiste à montrer que les conséquences d’une certaine hypothèse seraient contradictoires, et cela fait naturellement juger fausse cette hypothèse. Les discussions sur le libre arbitre touchent à un grand nombre de questions, et je suis loin de vouloir dire que les deux façons de résoudre le problème soient également justes, je suis d’avis au contraire que l’une des solutions est en contradiction avec certains faits importants, et que l’autre ne l’est pas. Ce que je prétends, c’est que la question formulée plus haut est la source de tout le doute, que sans cette question aucune controverse ne se serait jamais élevée, enfin que cette question se résout complètement de la manière que j’ai indiquée.

Cherchons maintenant une idée claire de la pesanteur ; c’est là un autre exemple bien facile à saisir. Dire qu’un corps est pesant signifie simplement qu’en l’absence de toute force opposante il tombera. C’est là évidemment toute la conception de la pesanteur, — en mettant de côté certains détails spéciaux sur les lois de la chute des corps, et présents à l’esprit du physicien qui emploie le mot pesanteur. C’est une question importante de savoir si certains faits particuliers n’expliquent pas la pesanteur ; mais ce que nous entendons par cette force elle-même consiste entièrement dans la somme de ses effets.