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après m’en être servi comme d’un exemple en logique, je l’abandonne sans vouloir préjuger la réponse du théologien. Je désire seulement montrer combien il est impossible qu’il y ait dans nos intelligences une idée qui ait un autre objet que des conceptions de faits sensibles. L’idée d’une chose quelconque est l’idée de ses effets sensibles. S’imaginer qu’on en a d’autres, c’est s’abaisser et prendre une simple sensation accompagnant la pensée pour une partie de la pensée elle-même. Il est absurde de dire que la pensée contient quelque élément qui soit sans rapport avec son unique fonction. C’est folie de la part des catholiques et des protestants de se croire en désaccord sur les éléments du sacrement s’ils sont d’accord sur tous leurs effets sensibles, présents et à venir.

Il semble donc que la règle pour atteindre le troisième degré de clarté dans la compréhension peut se formuler de la manière suivante : Considérer quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir être produits par l’objet de notre conception. La conception de tous ces effets est la conception complète de l’objet.

Quelques exemples pour faire comprendre cette règle. Commençons par le plus simple possible, et demandons-nous ce que nous entendons en disant qu’une chose est dure. Évidemment nous voulons dire qu’un grand nombre d’autres substances ne la rayeront pas. La conception de cette propriété comme de toute autre, est la somme de ses effets conçus par nous. Il n’y a pour nous absolument aucune différence entre une chose dure et une chose molle tant que nous n’avons pas fait l’épreuve de leurs effets. Supposons donc qu’un diamant soit cristallisé au milieu d’un moelleux coussin de coton, et qu’il y reste jusqu’à ce qu’il soit entièrement brûlé. Serait-il faux de dire que ce diamant était mou ? Cette proposition semble insensée et serait telle en effet, sauf dans le domaine de la logique. Là, de pareilles questions sont souvent fort utiles pour mettre en relief les principes logiques, mieux que ne pourraient jamais le faire des discussions d’un caractère pratique. Quand on étudie la logique, on ne doit pas les écarter par des réponses précipitées, mais les examiner avec un soin minutieux pour en extraire les principes qu’elles contiennent. Dans le cas actuel, il faut modifier notre question et demander ce qui nous empêche de dire que tous les corps durs restent parfaitement mous jusqu’à ce qu’on les touche, qu’alors la pression augmente leur dureté jusqu’au moment où ils sont rayés. La réflexion montre que la réponse est qu’il n’y aurait pas de fausseté dans cette façon de parler. Elle implique soit une modification dans l’emploi actuel des mots dur et mou dans la langue, mais non de leur signification. En effet, ces expressions ne