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chose. Cependant on peut concevoir que cela n’apparaisse pas au premier abord, et qu’un homme, de deux propositions présentées d’une façon analogue, puisse accepter l’une et rejeter l’autre.

Ces fausses distinctions sont aussi nuisibles que la confusion de croyances réellement différentes et sont au nombre des pièges dont nous devons constamment nous préoccuper, surtout sur le terrain métaphysique. Une erreur de ce genre, et qui se produit fréquemment, consiste à prendre l’effet même de l’obscurité de notre pensée pour une propriété de l’objet auquel nous pensons. Au lieu d’apercevoir que cette obscurité est purement subjective, nous nous imaginons considérer une qualité essentiellement mystérieuse de l’objet, et si la même acception se présente ensuite à nous sous une forme claire, nous ne la reconnaissons plus par suite de la disparition de cet élément inintelligible. Aussi longtemps que dure cette méprise, elle est un infranchissable obstacle à la clarté de la pensée. Perpétuer cette confusion est donc aussi important pour les adversaires de la raison qu’il est important pour ses partisans de se mettre en garde de ce côté.

Une autre méprise consiste à prendre une simple différence grammaticale entre deux mots pour une différence entre les idées qu’ils expriment. Dans un siècle pédantesque où la grande masse des écrivains s’occupent bien plus des mots que des choses, cette erreur est assez commune. Quand je disais tout à l’heure que la pensée est une action et qu’elle consiste en une relation, bien qu’une personne accomplisse une action et non une relation qui ne peut être que le résultat d’une action, cependant il n’y avait point là contradiction, mais seulement un certain vague grammatical.

On sera complètement à l’abri de tous ces sophismes tant qu’on réfléchira que toute la fonction de la pensée est de créer des habitudes d’action et que tout ce qui se rattache à la pensée sans concourir à son but en est un accessoire, mais n’en fait pas partie. S’il existe quelque ensemble de sensations qui n’ait aucun rapport