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sais-je encore, dont les annales de la vieille Allemagne pourraient nous redire l’histoire ?

II

Les principes exposés dans notre première partie conduisent immédiatement à une méthode qui fait atteindre une clarté d’idées bien supérieure à « l’idée distincte » des logiciens. Nous avons reconnu que la pensée est excitée à l’action par l’irritation du doute, et cesse quand on atteint la croyance : produire la croyance est donc la seule fonction de la pensée. Ce sont là toutefois de bien grands mots pour ce que je veux dire ; il semble que je décrive ces phénomènes comme s’ils étaient vus à l’aide d’un microscope moral. Les mots doute et croyance, comme on les emploie d’ordinaire, sont usités quand il est question de religion ou d’autres matières importantes. Je les emploie ici pour désigner la position de toute question grande ou petite et sa solution. Lorsqu’on voit dans sa bourse une pièce d’argent et son équivalent en billon, on décide, du temps que la main s’y porte, en quelle monnaie on payera son emplette. Appeler une telle alternative doute, et la décision croyance, c’est à coup sûr employer des mots hors de proportion avec les choses ; et parler d’un tel doute comme produisant une irritation qu’il faille faire cesser, c’est suggérer l’idée d’une sensibilité impressionnable presque jusqu’à la folie. Cependant, à considérer scrupuleusement les faits, il faut admettre que si l’on éprouve la moindre hésitation à payer en argent ou en billon, ce qui aura lieu infailliblement à moins qu’on agisse en pareil cas par suite d’une habitude contractée d’avance, il faut, dis-je, admettre que si le mot irritation dépasse la mesure, on est néanmoins excité à la minime activité intellectuelle, qui peut être nécessaire pour décider l’acte en question. La plupart du temps, les doutes naissent d’une indécision, même passagère, dans nos actions. Quelquefois il n’en est pas ainsi. Par exemple, on attend à une station de chemin de fer. Pour tuer le temps, on lit les affiches sur le mur. On compare les avantages de différents trains et de différentes routes qu’on ne s’attend pas à prendre jamais : on fait seulement semblant de balancer parce qu’on est las de n’avoir à s’inquiéter de rien. L’hésitation feinte dans un but de simple amusement ou dans un but de haute spéculation joue un grand rôle dans l’engendrement de l’investigation scientifique. Quelle que soit son origine, le doute stimule l’esprit à une activité faible ou énergique, calme ou violente. La conscience voit passer rapidement des idées qui se fondent incessamment