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cussion ne doit jamais pouvoir découvrir d’obscurités dans ce qui s’y rattache.

Telle était la distinction faite par Descartes, et l’on voit que cela est en harmonie avec son système philosophique. Sa théorie fut un peu développée par Leibniz. Ce grand et singulier génie est aussi remarquable par ce qui lui a échappé que par ce qu’il a vu. Qu’un mécanisme ne pût fonctionner perpétuellement sans que la force en fût alimentée de quelque façon, c’était là une chose évidente pour lui : cependant il n’a pas compris que le mécanisme de l’intelligence peut transformer la connaissance, mais non pas la produire, à moins qu’il ne soit alimenté de faits par l’observation. Il oubliait ainsi l’axiome le plus essentiel de la philosophie cartésienne : qu’il est impossible de ne pas accepter les propositions évidentes, qu’elles soient ou non conformes à la logique. Au lieu de considérer le problème de cette façon, il chercha à réduire les premiers principes en formules qu’il est contradictoire de nier, et sembla ne pas apercevoir combien grande était la différence qui le séparait de Descartes. Il revient ainsi au vieux formalisme logique ; les définitions abstraites jouent un grand rôle dans son système. Observant que la méthode de Descartes offrait cet inconvénient qu’il peut nous sembler que nous saisissons clairement des idées en réalité fort confuses, il ne vit naturellement pas d’autre remède que d’exiger une définition abstraite de tout terme important. C’est pourquoi, en discernant entre les idées claires et les idées distinctes, il décrivit ces dernières comme des idées dont la définition ne contient rien qu’on ne saisisse clairement. Tous les ouvrages de logique ont copié ses paroles. Il n’est pas à craindre qu’on se remette jamais à faire trop grand cas de son chimérique projet. Rien de nouveau ne peut s’apprendre par l’analyse des définitions. Néanmoins, ce procédé peut mettre de l’ordre dans nos croyances actuelles, et l’ordre est un élément essentiel dans l’économie de l’intelligence, comme en toute autre chose. Reconnaissons donc que les livres ont eu raison de présenter la familiarité de l’esprit avec une notion comme un premier pas, et sa définition comme un second pas vers sa claire compréhension. Mais, en omettant toute mention d’une perspicacité intellectuelle plus haute, ils ne font que refléter une philosophie rejetée depuis cent ans. La théorie tant admirée des idées claires et des idées distinctes, ce joyau de la logique, est peut-être assez jolie, mais il est grand temps de reléguer au musée des curiosités cet antique bijou et de prendre quelque chose de plus assorti aux mœurs modernes.

La première chose qu’on est en droit de demander à la logique est de nous enseigner à rendre nos idées claires ; c’est un enseignement