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une aspiration, propre au génie aryen et très-supérieure aux conceptions sémitiques, vers le panthéisme naturaliste, compatible avec l’observation et la science ; du Véda, sans hiatus trop vaste, on entrerait directement, de plain-pied, dans l’âge de la critique et de la science.

Temps antiques. — Les premières philosophies de la Grèce se distinguent des doctrines de l’Inde en ce qu’elles nous apparaissent comme un effort désintéressé vers la connaissance du monde. M. Lefèvre n’en ajoute pas moins, peu après, qu^aucune science n’a d’autre raison d’être que l’intérêt pratique : seulement les Grecs, dit-il, n’eurent pas tout d’abord conscience de cette loi. Examinant ensuite les systèmes philosophiques de l’Inde adulte, où il donne une place d’honneur à Kanada et à son atomisme matérialiste, il revient à la Grèce adolescente. Naturellement favorable aux physiciens d’Ionie, surtout à Anaximandre, il traite en revanche assez durement les Eléates, ces « inventeurs de l’être en soi « « et plus durement encore les Pythagoriciens, dont la doctrine numérale semble le rêve d’un mathématicien en délire » Héraclite, Empédocle, Anaxagore, Démocrite, voilà la lignée des précurseurs de la science. Anaxagore toutefois joint à une physique intéressante une métaphysique sans valeur. L’auteur voit dans son système tout ensemble un dualisme, un athéisme et une sorte de panthéisme sans Dieu : c’est beaucoup. Est d’ailleurs athée à ses yeux quiconque ne croit pas à un Dieu personnel, créateur. — Quant à Démocrite, à la suite d’Anaximandre et de Leucippe, il établit le matérialisme absolu « sur l’autorité unique de l’expérience et des inductions qu’elle suggère t. En vain lui reproche-t-on, comme ayant un caractère métaphysique, la conception du vide et celle de l’atome : ces hypothèses parlent de faits observés et en rendent compte. Les torts de Démocrite sont ailleurs : il aurait dû supprimer les dieux, spectres fainéants ; conclure, en morale, à l’action et non au repos ; enfin, il ne paraît pas s’être assez convaincu que la certitude de la sensation est une base suffisante pour toute connaissance. — Avec Socrate, qui, paraît-il, a fait à la pensée humaine un mal incalculable, et avec Platon, nous retombons en pleine métaphysique. Laissons-les, M. Lefèvre exposant avec plus de conscience que de succès leurs prétendus cercles vicieux et leurs chimères. Laissons également Aristote, qui nous est ici donné, au rebours de la vérité, pour foncièrement matérialiste ; seulement, ce serait un matérialiste subtilisant, s’ingéniant à dissimuler le réel sous l’abstrait. Pleine justice, il est vrai, est rendue à sa Morale ; mais dans sa Psychologie et sa Métaphysique, nous dit-on, il n’y a que des contradictions. Somme toute, il est resté « embourbé dans le gouffre métaphysique ».

De Pyrrhon l’auteur ne veut pas qu’on fasse un subjectiviste, car, dit-il, le phénomène, auquel Pyrrhon limite la connaissance, n’est point subjectif, mais il est situé invinciblement par le fait de la sensation dans l’objectif, dans le monde extérieur. Il résume ainsi le stoïcisme, tout en reconnaissant la noblesse de ses aspirations vers la liberté et