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regnaud.études de philosophie indienne

président à ces phénomènes et qui se transmettent de l’une à l’autre les âmes pendant leurs migrations. Du reste, la flamme, le jour, etc., n’étant pas des phénomènes permanents, ne sauraient servir de points de repère à ceux, par exemple, qui meurent pendant la nuit. Les divinités qui président à la flamme, au jour, etc., sont, au contraire, permanentes. Ces mêmes phénomènes ne sauraient être non plus des lieux de jouissance pour les âmes, attendu que celles-ci, ayant toutes leurs facultés réunies comme en faisceau, ne peuvent pas les exercer ; elles sont par conséquent dépourvues de liberté et ne sauraient éprouver de jouissance[1].

Il est dit dans les textes sacrés que la dernière des divinités qui président aux stages par lesquels passent les âmes pour arriver au Brahmaloka les conduit, les fait arriver à Brahma. Il s’agit de savoir à ce propos (Sûtra iv, 3, 7 et seqq.) s’il est question de Brahma suprême, non modifié et principal (mukhya), ou de Brahma inférieur (apara), qui est un effet (kârya). D’après Bâdarâyana, il ne saurait y avoir de doute à cet égard ; c’est auprès de Brahma inférieur que le purusha mânava[2] conduit les âmes. La preuve en résulte de ce seul fait qu’il y a migration vers lui. Il n’y a que Brahma-effet vers lequel on puisse aller, car les âmes individuelles ne sauraient aller, devoir aller ou être arrivées en Brahma suprême, puisqu’il est omniprésent[3]. Du reste (Sûtra iv, 3, 9), le mot Brahma peut désigner aussi Brahma inférieur, à cause de l’étroite relation qui existe entre lui et Brahma suprême.

Si l’on objecte que les textes sacrés disent qu’on ne revient pas du Brahmaloka et qu’il n’y a qu’en Brahma suprême qu’il peut y avoir pour les âmes séjour définitif, il convient de répondre que quand a lieu la dissolution du Brahmaloka qui, étant un effet, est périssable, les âmes qui s’y trouvent et qui possèdent la vraie science obtiennent avec Hiranyagarbha (Brahma inférieur qui préside au Brahmaloka) la résidence suprême de Vishnu. Telle est la marche progressive de la délivrance, et ainsi doit s’expliquer le texte disant que l’on ne revient pas du Brahmaloka. On n’obtient pas immédiatement Brahma suprême, et l’on doit auparavant passer par les stages indiqués[4].

  1. Sampinditakaranagrâmatvâd eva ca gantrnâm na tatra bhogasambhavah.
  2. Allusion à un passage de la Chând. Up., v, 10, 2, où il est dit, qu’une fois qu’elles sont arrivées dans l’éclair, le purusha mânava fait passer les âmes auprès de Brahma.
  3. Asya hi kâryabrahmano gantavyatvam upapadyate pradeçatvât na tu parasmin brahmani gantrtvam gantavyatvam gatir vâvakalpyate sarvagatatvât pratyagâtmatvât ca gantrnâm.
  4. No hy añjasy eva gatipûrvikâ paraprâptih sambhavati.