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espinas. — philosophie expérimentale en italie

Donc, pas de création ; le monde s’est réellement fait tout seul. D’ailleurs, ceux qui recourent à une intervention isolée, à un fiat prononcé une fois, ne s’aperçoivent pas qu’ils abandonnent ensuite le monde à son incapacité native de vivre et de durer. Plus conséquents avec eux-mêmes sont les partisans de la création continuée. Mais nous avons vu que le monde n’est pas anéanti et recréé à chaque moment, que les instants successifs où la force développe ses effets ne sont que des distinctions décrites par nous sur un fond absolument continu. Or ce continu, qui garantit en quelque sorte au monde actuel une durée permanente, se prolonge en tant que tel dans toutes les directions à l’infini ; il n’y a pas dans son tissu d’hiatus ouvert, et la loi de notre esprit, qui n’est qu’une conséquence de sa solidarité avec le reste des existences (lui, aussi, fait partie de la nature des choses), la loi de notre esprit est la même, qu’on l’applique au passage dans l’instant présent d’un phénomène à un autre, ou bien à un passage semblable, qui aurait eu lieu il y a des milliards d’années.

Et, de même que ce monde ou le système solaire a eu un commencement naturel, il aura une fin naturelle. Tout distinct doit tôt ou tard retourner à l’indistinct. Formé par une individualisation partielle de la force et de la matière répandues dans l’univers à l’état diffus, il doit de nouveau être absorbé dans le sein de cette masse sans bornes, quand la force qui l’anime sera épuisée et la matière qui le compose, dissoute. Étant donné en effet un tout quelconque, il est inévitable qu’à un moment de sa durée il ne reçoive du milieu qui l’environne moins de force qu’il ne lui en communique, et que, l’équilibre étant ainsi rompu à son détriment, il ne tende à se confondre avec ce milieu. En ce qui concerne notre système, le passé du satellite de la terre est un avertissement pour la terre elle-même, déjà considérablement refroidie, et les destinées du soleil ne seront pas autres que celles de la terre, puisque le soleil est absolument semblable à chacune des planètes, sauf sous le rapport de sa position centrale. Du reste, le système tout entier est en marche, d’autres systèmes sont en marche vers lui ; son isolement relatif cessera donc, et à ce moment il sera inévitablement déconcerté dans ses mouvements et ruiné dans sa structure. Seulement, comme nous le verrons tout à l’heure, sa fin sera le signal d’une renaissance.

La Providence n’est pas plus nécessaire pour expliquer l’ordre du monde que ne l’est la création pour en expliquer l’origine. L’argument des causes finales est l’illusion d’intelligences limitées à un horizon étroit et qui, dans le coin de l’univers qu’elles habitent, s’imaginent être le centre du tout. Il est certain que tout être qui