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bien entendu avec la moralité. Cette doctrine, qu’on peut appeler un idéalisme concret, a ceci de commun avec le monisme abstrait, qu’elle n’admet qu’un seul être, une seule substance absolue, dont toutes les substances subalternes sont les manifestations ; mais elle s’en distingue essentiellement en ce qu’elle ne considère pas ces manifestations, et par suite les individus qui en sont les centres, comme des illusions : elle leur attribue une réalité, une valeur positive. Convenablement interprétée, la monadologie de Leibniz s’accorde parfaitement avec cette conception, à la condition de reconnaître que les monades inférieures puisent leur réalité dans la réalité de la monade suprême et l’épuisent.

Du point de vue du monisme concret, tous les principes relatifs de moralité, et en particulier les deux plus élevés, celui de l’eudémonisme social et celui du progrès, trouvent une explication facile. L’individu, tant qu’il croit à la vérité absolue de son être, n’a aucune raison de se sacrifier au bonheur d’autrui ; au contraire, dès qu’il conçoit l’identité d’essence fondamentale qui unit tous les individus considérés comme des fonctions de l’être universel, l’égoïsme lui paraît tout aussi absurde que naguère l’altruisme. La formule bouddhique tat twam asi (cette chose, c’est toi-même), reprise par Schopenhauer, est en même temps l’expression la plus parfaite du dogme métaphysique de la communauté d’essence et le fondement solide de tous nos devoirs envers autrui. D’autre part, la communauté d’essence des individus dérive de la communauté d’essence de l’individu et de l’absolu : cette remarque fonde la morale du progrès, qui n’est autre que le dévouement absolu de l’individu aux fins de l’être universel dont il émane.

Si l’être universel était une substance fixe et immuable, la croyance à la nature divine de l’individu aurait pour conséquence logique son absorption dans l’absolu par l’extase : telle est aussi la conclusion du mysticisme chrétien, et surtout de son plus profond représentant, maître Eckhardt. Mais la vraie morale n’est pas la morale de la contemplation, c’est celle de l’action ; l’absolu n’est pas, il devient ; et je dois non pas me résoudre dans sa substance, qui n’existe plus que dans les individus, mais me vouer à ses fins, dont les créatures sont les instruments.

Le principe religieux proprement dit cède donc la place à un principe téléologique transcendant : l’individu s’est élevé au-dessus de la considération mesquine des fins temporelles de sa nature phénoménale, pour se consacrer tout entier à la fin suprême de sa substance absolue. Cette fin suprême ne peut être qu’eudémoniste, d’un « eudémonisme absolu « : l’esprit ne peut concevoir de fin en dehors du