un sentiment de supériorité et de malaise profond, au milieu de l’atmosphère de sottise et de misère intellectuelle qu’il est forcé de respirer. Il ajoute cependant qu’on ne peut se borner à la simple négation de cette raison « vulgaire », mais qu’il faut construire absolument quelque chose de positif, et il oppose à la réflexion « vulgaire » la réflexion scientifique.
Dans la seconde lettre, l’auteur étudie le principe même, la nature de cette différence entre l’une et l’autre. Il rappelle la loi des trois états de développement intellectuel posée par Comte, et s’efforce de prouver que les deux premiers états conduisent l’esprit humain à la conception (ponimanie), mais que le troisième le mène au savoir (znanie). Il consacre à cette différence, ainsi qu’à la caractéristique des phases successives de la conception jusqu’à sa transformation décisive en un savoir véritable, les lettres 2, 3, 4 et 5. Quant à la nature de cette différence, il faut la chercher, dit-il, dans l’attitude diverse des esprits à l’égard de la causalité. Toute réflexion, soit vulgaire, soit scientifique, rapporte les phénomènes à des causes. Concevoir un phénomène ou un fait, dit l’auteur, c’est le rendre clair, c’est-à-dire dans le langage scientifique opérer la réduction du phénomène à sa cause. Cela accompli, le phénomène devient intelligible, que la cause à laquelle on l’attribue soit le produit de notre imagination ou un fait réel.
Si nous avons bien saisi la pensée de l’auteur, cette différence quant à la manière de considérer le rapport de causalité, dans les phases successives de la conception et du savoir, consisterait dans les quelques points suivants :
1o Dans la phase de conception, l’esprit cherche avant tout l’éclaircissement des phénomènes nouveaux et singuliers ; ce qui est ordinaire, ce qui se répète tous les jours ne l’étonne pas et n’éveille par conséquent en lui ni intérêt ni curiosité. Il le considère comme parfaitement naturel et absolu. — La philosophie scientifique, au contraire, ayant pour but le savoir même, envisage précisément les phénomènes ordinaires comme les plus intéressants et les plus curieux.
2o Dans la phase de « conception », l’esprit se figure la causalité comme force et le rapport entre la cause et l’effet de la même manière qu’il se représente le rapport entre la volonté et les actions humaines. Ces dernières ayant pour cause la volonté humaine, qui en détermine le but, la cause du phénomène extérieur est conçue de même comme une force produisant ce phénomène pour un but certain et déterminé d’avance. L’auteur fait la remarque que l’idée du rapport de causalité entre les phénomènes n’a pas son origine dans l’observation de la mutabilité continuelle de tout ce qui nous environne, mais dans la conscience intime de notre propre capacité à produire des changements conformes aux fins que nous nous proposons nous-mêmes.
3o Ce qui a lieu le plus souvent dans la phase de conception, c’est la réduction d’un phénomène extraordinaire et inconnu à un autre phénomène connu seulement en apparence. Une réduction sem-