comment, dans la Sivis, Berkeley, sortant de son idéalisme subjectif, prétend aboutir à la démonstration de l’existence de Dieu. Un simple raisonnement par analogie donnera également l’existence des autres hommes. Mais Dieu et les esprits épuisent toute la réalité ; les animaux, considérés par Berkeley comme de pures machines, les objets inanimés, ne sont que des représentations.
M. Penjon estime, avec raison selon nous, que cette doctrine n’est pas très-consistante. On ne voit pas, en effet, comment Berkeley, enfermé dans son moi, pourra légitimement en sortir. « De quel droit, demande M. Penjon, distinguer une cause étrangère et supérieure de la cause que nous sommes nous-mêmes ? Pourquoi ne pas admettre que la pensée se donne à elle-même pour objet tout ce monde d’idées sensibles sous certaines lois qui lui sont propres, comme elle ordonne ces idées et les combine et en raisonne conformément à des lois qui ne varient pas, il est vrai, au gré de ses caprices, mais qui constituent elles-mêmes sa nature ? Le principe de causalité nous oblige-t-il à sortir ici de nous-même, à admettre une autre réalité dernière que la nôtre, à chercher, pour ce monde de représentations régulières, et objectives en ce sens seulement, un autre support que l’acte de penser individuel ?… L’idéalisme objectif se ramène, au fond, à un idéalisme subjectif ; la pensée ne peut jamais sortir d’elle-même, et s’il n’y a d’autre manière d’exister que de connaître ou d’être connu, peut-être aussi n’y a-t-il pas d’autre solution philosophique du problème dont il s’agit que l’affirmation de la pensée individuelle exclusivement et de ses objets. Toute autre solution, toute affirmation d’une existence semblable à la nôtre, mais différente, serait alors du domaine de la croyance, de la religion. » Cette solution monistique, qu’il impose, au nom de la logique, à Berkeley, M. Penjon ne semble pas, pour sa part, très-éloigné de l’accepter. Nous ne saurions le suivre jusque-là, et nous estimons qu’en dehors de la foi il y a encore de bonnes raisons d’admettre l’existence de choses et d’êtres réellement extérieurs à notre esprit.
Et d’abord, ne fait-on pas en tout ceci trop bon marché des conditions physiologiques de la pensée ? Je trouve bon qu’on soit spiritualiste ; mais encore faut-il tenir compte des faits. Or les faits établissent que nous ne saurions penser sans cerveau. — On me répondra que ce cerveau n’est lui-même qu’une représentation de l’esprit. Mais si je réplique que cette représentation même c’est le cerveau qui la rend possible ? Et ce n’est pas à moi à faire la preuve, c’est à vous à me réfuter, puisque vous prétendez établir votre thèse. Vous soutenez que l’esprit existe seul ; je soutiens, moi, que, sans un cerveau préalable, votre esprit ne serait capable ni d’affirmer son existence, ni de nier la réalité extérieure et antérieure de son organe. Il est clair que vous n’aurez rien fait, tant que vous ne m’aurez pas démontré que je me trompe.
Le monisme subjectif implique évidemment que l’espace n’est rien