bable dans l’état actuel de nos connaissances. Mais, si la réalité de l’ordre moral est admise, il est impossible que les phénomènes psychiques soient ramenés aux lois d’un déterminisme absolu, puisqu’un élément de liberté est le postulat nécessaire de tous les jugements moraux. Pour bien rendre ma pensée à cet égard, je reviens à la supposition d’un observateur connaissant toutes les lois de la physiologie et pouvant percevoir dans tous leurs détails les fonctions cérébrales. Cet observateur constaterait en premier lieu que tous les mouvements accomplis par le corps humain ont leur équivalent dans l’action de la nourriture, du soleil, de l’atmosphère, et sont ainsi la simple transformation du mouvement universel ; voilà pour la quantité du mouvement, ou pour l’élément susceptible d’une notation arithmétique. En second lieu, l’observateur constaterait, quant à la direction, c’est-à-dire quant à l’élément susceptible d’une notation géométrique, trois classes de mouvements : 1o Des mouvements réflexes, qui, l’organisme étant donné, s’expliquent, selon les lois de la physique, par des causes immédiatement observables. Ce sont des mouvements mécaniques. 2o Des mouvements ayant leur origine dans la spontanéité de l’organisme. Le développement du corps vivant selon un type déterminé, et toutes les tendances héréditairement transmises, rentrent dans cette classe. Ce sont des mouvements spontanés. 3o Des mouvements dont la cause ne pourrait être assignée ni dans l’une ni dans l’autre des deux classes précédentes. Ce sont des mouvements libres. La définition de la liberté est ici purement négative ; mais c’est la seule à laquelle puisse parvenir l’observation physiologique ou externe ; l’affirmation directe d’un pouvoir producteur ne peut reposer que sur une base psychologique.
En résumé, le principe de la constance de la force étant admis, on ne peut pas en déduire la négation de la liberté humaine. Que reste-t-il à la volonté libre ? Pour la création de la force, rien ; pour l’emploi de la force, tout. Les fondements de l’ordre spirituel subsistent et n’ont subi aucun ébranlement. Le conflit de la physique et de la morale est donc apparent, et j’arrive à la conclusion à laquelle M. Boussinesq est parvenu de son côté par des considérations mathématiques. On peut admettre dans l’homme, sans sortir des données les plus strictes de la science, un principe directeur des mouvements ; et, cela admis, « le physiologiste peut, sans s’écarter du plus sévère spiritualisme, étendre les lois mécaniques, physiques et chimiques à toute la matière, y compris les molécules de cerveau vivant. »